Pour l’interview n°13, C’est Moune qui nous vient de l’autre bout du monde qui nous raconte son histoire.
– Peux-tu te présenter ?
Je suis Moune, toujours un peu dans mon monde d’où mon surnom « De la Lune ». J’ai 37 ans, je suis en couple et j’ai un grand collégien de 13 ans et demi. Je vis dans ma merveilleuse île La Martinique, j’habite à la campagne sur un petit morne et je suis cadre dans la mairie de ma ville…
– Quel lymphome as-tu ?
J’ai un lymphome non Hodgkinien à cellules B agressives situé principalement dans l’abdomen.
– Racontes nous comment tu as découvert la maladie ?
Depuis le début de l’année 2017, j’avais des maux de ventre. Mais, je fais partie des stressées qui ont toujours mal au ventre (stress, examens, règles…). Je ne me suis pas vraiment inquiétée… Puis en mars, après une croisière où j’avais fait particulièrement attention à mon alimentation, j’ai compris que ce n’était pas normal…
Rendez-vous chez le médecin, qui traite mon estomac mais qui me signale que mon intestin est irrité… 4 jours après j’y retourne, malgré le traitement j’ai toujours aussi mal. Elle décide de traiter l’intestin, me prescrit des analyses de sang et m’oriente vers un gastro-entérologue pour réaliser une coloscopie (rdv fin juin). Elle me prévient que l’intestin ça prend du temps (au moins 15 jours)… Une semaine plus tard, mon compagnon va la consulter et lui indique que j’ai toujours mal. Elle consulte mes analyses (qui sont excellentes), lui indique que ce n’est pas normal et lui donne une prescription pour une échographie à mon attention.
Et c’est là que, progressivement cela devient inquiétant… La radiologue qui a l’habitude de me voir pour des soucis plutôt de sportif, rigole et demande quelle bêtise j’ai encore fait… Puis, se tait devant sa machine. « Tourne toi, rate ok, reins ok, estomac ok, intestin ok »… Elle redevient silencieuse et pianote… Pose son instrument et m’indique : « Tu attends les résultats et va directement chez ton médecin, tu as des ganglions dans le ventre. »
Chez le médecin, elle me positionne pour un scanner en urgence. Même topo après le scanner : « Madame, vous avez perdu beaucoup de poids en peu de temps ? » Non je suis un peu fatiguée, je ne fais pas beaucoup de sport, j’ai plutôt pris du poids… « Bon Madame, on va recommencer, je vous fait la totale! » Okay je devais avoir un scanner abdo-pelvien finalement j’ai un entier … Même discours « Madame, dites à la secrétaire que vous récupérerez vos résultats demain à 10h et prenez déjà rendez-vous avec votre médecin… Soupir…
Le lendemain, mon médecin m’oriente au CHU vers un hématologue…. Un hémato quoi ? Mais j’ai juste mal au ventre…
L’histoire a voulu que le spécialiste des lymphomes soit hors du département, je vois donc un ORL qui m’explique qu’il va réaliser en urgence une biopsie le 2 Mai en hospitalisation de jour…
Le lendemain, je reçois un appel qui m’indique mon rdv avec l’hémato à 15h.
Le 3 mai, le jour où ma vie bascule, je suis bien accueillie dans le service, le médecin arrive : « Mme Mangattale? Vous êtes seule? » Oui, on ne m’a pas indiqué que je devais être accompagnée, je repars? « J’ai votre dossier mais je ne vous ai pas ausculté, venez… » Et là j’entends : lymphome, cancer du sang, guérissable, chimiothérapie, examen du coeur, biopsie de la moelle osseuse, nouvelles analyses de sang spécifiques, 8 mois de longue maladie…
« Bon on va refaire une annonce avec votre entourage, je vais tout expliquer à tout le monde… »
Je descends vers ma voiture en pleurant… reste au téléphone avec mes proches près de ma voiture… J’ai un cancer…
Deuxième annonce avec mon compagnon, mon père, mon frère, ma meilleure ami, avec les résultats de la biopsie donc 10 jours après : protocole de chimiothérapie R-CHOP21* en 8 cures. En Martinique pas de cyclotron*, mes lymphocytes sont agressifs donc on commence la chimio rapidement, le 24 mai, ma CIP* a été posée le vendredi d’avant… J’aurai mon TEP SCAN le 26 juin à Paris, j’ai eu les résultats hier juste avant ma 4ème chimio… Résultats? Excellents!!!! Je suis donc en rémission biologique mais on continue les traitements…
– Comment as-tu supporté les traitements ?
Alors la tolérance à la chimio? Comment dire… Pour quelqu’un qui n’a jamais vraiment été malade… Je supporte bien les injections mais, dès le soir mon estomac commence à faire du reflux… C’est le pire… Ca n’arrête pas pendant une semaine…
Et puis le premier matin… les mucites… comment expliquer ça à des gens normaux ?… le goût métallique en continu… et le summum pendant la fête des mère, l’hypersensibilité dentaire, non seulement tu reviens à la soupe et à la compote mais en plus à température ambiante…
Chaque matin, tu ne sais pas ce qui t’attends… Une demi-journée de vertiges, c’est pas si mal ! 4h de tachycardie où tu te dis « faut que ça se calme… je vais mourir… » Des douleurs que je ne peux même pas expliquer…
Et ma CIP, cette chère amie qu’on m’a implantée et qui me fera mal pendant 1 mois et demi… Je rêve de dormir sur le ventre… Et les fourmillements dans les doigts, parfois mon tactile ne sens pas la pression et mon empreinte digitale pas reconnue… Celle qu’on surnommait au travail Speedy Gonzales marche au ralenti, s’essouffle à la §émet marche d’escalier, est incapable de porteurs pack d’eau, ne peut plus ouvrir un bocal et ne supporte plus son sac à dos….
Et l’humeur qui change : de l’énergie à la désolation. Je ne sais pas comment mon compagnon, mon fils, mes frères ont fait pour supporter si calmement mes moments de panique…
– As-tu été bien informée pendant toute cette période ?
Au CHU La Meynard, les infirmières du service hospitalisation de jour sont top! Sourire, dès le premier jour, elles t’appellent par ton nom, mon infirmière IDE est passée à chaque chimio prendre de mes nouvelles! Mon hémato je le surnomme Dr House, hyper compétant mais la gestion des relations humaines… Alors je suis aussi directe que lui et je lui rentre dedans… Finalement on s’entend bien… (rires)
Pour les soins complémentaires et les informations vive Google, mon homéopathe et les petits conseils de toutes les personnes qui ont tentés de m’aider… Mes cousines, mes tantes, mes copines, les collègues…
J’essaie de garder une activité physique, j’ai toujours fait du sport (je faisais du triathlon)… Sans m’essouffler bien sûr : yoga devant You Tube, natation en mer avec palmes et marche. J’adapte mon alimentation sans arrêt par rapport à mon traitement mais quand ça va j’ai des grosse envies!!!!
– As-tu été soutenue, entourée ?
J’ai beaucoup de chance d’être extrêmement entourée, avec des personnes très différentes qui chacune m’apporte la force, le réconfort, le lâcher prise ou me crie dessus parce que j’en fais trop…
Je suis suivie dans un service ou je ne croise jamais de crâne rasé, j’ai un peu l’impression d’être chouchoutée par les vieux patients, leur accompagnant (on passe beaucoup de temps en salle d’attente…), alors je me sens un peu seule parfois dans ma pathologie. J’ai rejoins une association Les Amazones mais ce sont surtout des femmes atteintes du cancer du sein….
Parfois quand je dis que j’ai un cancer du sang, c’est comme si je n’avais pas le bon cancer… Lymphome? Personne ne sais ce que c’est…
J’ai un oncle qui en a eu un mais, c’était tellement difficile pour lui qu’il n’en parle pas trop… Le groupe « Maladie de Hodgkin », « Lymphome et Cie » sont des sources d’informations et des lieux d’échanges qui me sont indispensables!
– Et maintenant, où en es-tu ?
C’est un peu bizarre après 3 cures de chimios, d’être en rémission alors qu’il m’en reste 4…
Sur le papier, je suis guérie mais toujours en traitement lourd, j’appréhende et à la fois j’ai hâte de retrouver ma vie… Mais j’ai changé de façon de voir les choses et c’est encore un peu flou… Apprécier le présent, je ne veux plus vivre pour travailler. je voudrais gérer mon temps différemment… C’est une sorte de mutation qui s’opère… Il y aura un avant et un après lymphome mais pour l’instant, je vis le pendant au mieux, avec la niaque, le sourire et debout!!!!!
Mon dernier mot sera MERCI parce que ce sont tous ces petits riens de tous qui me permettent de tenir!
Retrouvez le portrait de Moune :
https://www.projetamazones.com/moune-light/
Lexique :
R CHOP 21 : Traitement de première ligne du Lymphome non Hodgkinien. Il se compose de :
– Rituximab
– Cyclophosphamide (Endoxan)
– Hydroxyadriamycine (Adriblastine)
– Oncovin (Vincristine)
– Prednisone (Solupred)
Il s’administre en hôpital de jour, avec des cycles répétés tous les 21 jours. L’administration des produits dure entre 3 et 5 heures.
CIP : Chambre Implantable Percutanée (=PAC).
Cyclotron : Accélérateur de particules circulaire.
Inventé en 1931 par l’américain Ernest Orlando Lawrence, c’est un champ magnétique à l’intérieur duquel des particules suivent une trajectoire en forme de spirale et sont accélérées par un champ électrique. Cela a permis à son inventeur d’obtenir le prix Nobel de physique en 1939.
Sources :
http://www.arcagy.org
Trés beau témoignage ! Merci !!! Qui n’a aucune suprise pour moi qui ait ce même cancer depuis 2011 Exactement le même traitement et même conditions d’hospi de jour que vous Moune. Même Lymphome stade IV . J »ai connu 60 mois de rémission . En décembre 2017 récidive , toujours Stade IV avec ganglions hors du systhème lymphatique, notemment sur le grand dorsal , bras etc..Une greffe était prévue..Avec prélévements de cellules souches faites tout dernièrement , très pénible parce nombre incalculable de piqûres pour booster les cellules souches + grosse chimio pour les booster aussi .ces deux derniers traitements ou j’ai faillit y rester à peu de chose près m’ont fichue litteralement sur le carreau. Douleurs osseuses horribles dans tout le corps et musculaires Actuellement sous 2 morphines différentes pour commencer durant 28 jours. Maintenant mon hématho m’apprends que je ne supporterais pas la greffe et très peu de source reste pour tenter de soigner cette récidive. Voila donc rien ne vaut la vérité que j’ai toujours exigée ..Je sais maintenant ou je vais ..et je vais plus aller très loin. J’en suis bien consciente. Bravo Moune , tres bonne continuation !!!
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