Alice Baguet, la trentaine, est graphiste-illustratrice. A l’âge de 19 ans elle a eu un lymphome. En 2015, sort « L’année du crabe » dans lequel elle parle du cancer avec humour et bonne humeur. Le volume 2, « L’année du crabe – En attendant la récidive » sort le 4 octobre prochain. A cette occasion, Alice a accepté de répondre à nos questions et de nous en dévoiler un peu plus sur le volume 2, attendu avec impatience….
– Pourquoi avoir écrit « L’année du crabe »?
J’ai fait des études de graphisme mais j’ai toujours voulu dessiner sans vraiment oser le faire. À un moment, après avoir été un peu perdue dans mon « après cancer », j’ai réalisé que ce que je voulais vraiment c’était faire de la BD. J’ai cherché une histoire à raconter. Dans mon vécu, à portée de main, et donc de mon point de vue, plus facile à faire que d’inventer une histoire de toute pièce, il y avait le cancer. J’ai décidé de raconter ça, d’autant plus que je l’avais bien vécu et qu’il m’en restait en majorité des bons souvenirs.
– Est ce que votre humour et votre positivité vous ont aidé à traverser cette épreuve ?
Justement, le propre du livre et une de mes grandes motivations pour l’écrire c’est de dire « c’était pas une épreuve ». Mon cancer n’était pas un combat. Je ne l’ai sincèrement pas vécu comme ça. C’était la venue, incongrue, imprévue, de « quelqu’un » de nouveau dans ma vie, ce n’était pas tout le temps une promenade au parc mais ça m’a changée et je me sens bien mieux dans mes pompes maintenant qu’avant mon cancer.
Il n’y a pas eu grand chose à dédramatiser parce qu’il n’y avait pas grand chose de grave. Quand j’ai été diagnostiquée le pronostic vital n’était pas engagé, on m’a dit tout de suite que j’allais guérir. Donc ce n’était pas si grave. Pas aussi grave que cet espèce de monstre horrible et dévastateur auquel on rattache invariablement le mot « cancer ». Avec les progrès de la médecine et un peu de bol, certains s’en sortent, on ne peut pas mettre tous les cancers dans la même case de « maladie mortelle dramatique ». En tout cas le mien n’y est pas.
Par contre, c’était l’occasion de vivre des trucs inédits, de faire de nouvelles blagues sur la calvitie et le vomi entre autres, et avec mes proches, on ne s’est pas privé. Parce que c’était drôle. Sincèrement drôle. La blouse d’hôpital, me mettre de la compote partout à cause des tremblements, me prendre les chambranles de porte parce que j’étais dans le gaz… c’était drôle. Personne n’a fait d’effort pour rire dans ces moments là. On est construit comme ça dans ma famille, alors c’est comme ça qu’on la vécu, comme tout le reste, en rigolant.
– Pourquoi avoir appelé votre cancer Jean-Pierre ?
C’est une idée de mon éditeur ! Ça, je l’ai fait dans le livre mais pas dans la vraie vie. C’est uniquement pour rendre la narration plus fluide que je lui ai donné un prénom plutôt que de dire « il », « le crabe », « mon cancer » tout le long de l’histoire. Ça permet aussi d’accentuer mon choix d’en faire « quelqu’un » plutôt que quelque chose qu’on ne voit pas, et de raconter ma relation avec le quelqu’un en question. Et j’ai choisi Jean-Pierre parce que ça rime avec cancer.
– Vous avez eu votre lymphome à 19 ans. Et vous avez écrit quelques années plus tard. Aviez vous besoin de ce temps avant d’en parler ?
J’ai surtout eu besoin de ce temps avant d’oser dessiner. En parler n’a jamais été un problème. Je suis bavarde et je l’ai bien vécu, c’est un sujet de conversation comme un autre pour moi. Il s’est en effet passé 10 ans entre ma rémission et la parution du livre. J’ai mis un temps fou avant de sortir de mon identité de « cancéreuse » alors que j’étais guérie depuis longtemps. C’est à ça qu’on servi ces dix ans et c’est ce que raconte « Après l’année du crabe – En attendant la récidive ».
– Le volume 2 « en attendant la récidive » sort dans quelques jours. Pouvez vous nous en dire plus ?
« Après l’année du crabe – En attendant la récidive » parle de l’après cancer et de la difficulté que j’ai eu à sortir de mon identité de cancéreuse, justement parce qu’elle n’était pas si inconfortable qu’on aurait pu le penser. Je me suis construite pendant que le cancer était là, et quand il est parti, il m’a manqué des morceaux. Ça fait un peu enfant gâtée de dire « le cancer m’a manqué », j’en ai conscience, mais par certains côtés, c’était le cas. Il m’a fallu du temps pour assumer d’être le quelqu’un caché sous cette « couverture » de cancéreuse, et avoir le sentiment d’avoir autre chose à faire que d’avoir une récidive. C’est pas hyper intelligent comme réaction, mais ça m’aura au moins permis de faire un deuxième livre !
Quoi dire d’autre ? Il est bleu plutôt que d’être orange comme le premier. J’ai passé du temps à l’écrire et j’ai eu du mal à trouver une direction. Je savais ce que je voulais dire, mais je ne savais pas comment le raconter. J’ai plus cherché et plus dessiné que pour le premier. J’en ai aussi profité pour clarifier certaines choses, comme ce que j’entends par l’appellation « raviolis » ou le fait que je refuse de parler de mon cancer comme d’un combat. 🙂 Maintenant que j’ai fait le tour de la question, je vais essayer de faire des BD sur autre chose, ce ne sont pas les sujets qui manquent !
Pour vous donner un avant goût de « L’année du crabe – en attendant la récidive « , Alice nous a donné quelques extraits….
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