Interview n°25 : Claire

Pour l’interview n°25, c’est Claire, 33 ans qui nous raconte son histoire.

 

– Peux tu te présenter ?

Je suis mariée et j’ai 2 enfants,  Loïs qui a 7 ans et Rosie qui a 3 ans et demi. J’habite en Vendée à Bournezeau. Je travaille pour les Cafés Albert et Je suis passionnée par le foot.

 – Quel lymphome as-tu?

On m’a diagnostiqué la Maladie de Hodgkin au stade 3Bb.

 – Quand et comment as-tu découvert la maladie ?

Cela fut un raz-de-marée car j’avais démissionné de mon travail et m’apprêtais donc à commencer un nouveau job ! C’était pas vraiment l’idéal ! Mais, j’ai la chance de travailler pour une entreprise très humaine. Mon patron a eu un geste d’une très grande valeur puisque malgré l’annonce du diagnostic il a décidé d’honorer son engagement. Je commençais donc mon nouveau job par un arrêt de travail à durée indéterminée!!!Leur geste m’a enlevé un gros poids, m’a aidé à me concentrer sur ma bataille et m’a servi de leitmotiv. Je leur en suis très reconnaissante!

Ce qui m’avait poussé à consulter un mois plus tôt : la fatigue! Une fatigue extrême, anormale ! J’étais en congé parental et j’étais complètement vidée par le simple fait de faire des courses. Je connais bien mon corps et je ne le reconnaissais pas ; je ne me reconnaissais pas. Je  pratiquais le foot et je sentais bien que quelque chose ne tournait pas rond. Après plusieurs petits malaises, je me décidais donc à aller consulter pour faire un chek up pour être sûre que tout allait bien, comme je faisais une fois par an. Sauf que tout n’allait pas bien…

La prise de sang a révélé une CRP et vitesse de sédimentation très élevée : signes d’une infection. Puis, mon médecin m’a alerté sur la présence de ganglions.

En rentrant j’ai tapé sur Google : ganglions cou et je suis tombée sur la Maladie de Hodgkin ! Et j’ai commencé à me dire que j’avais plusieurs voir beaucoup de symptômes : ganglion/fatigue/perte d’appétit/perte de poids involontaire/démangeaisons inexpliquées/sueurs nocturnes.

J’ai mis du temps à m’alerter car tous ces symptômes n’étaient pas quotidiens, ni réguliers, ni simultanés. J’attribuais également un certain nombre au fait que j’avais maintenant 2 enfants à m’occuper, que j’allaitais, que c’était l’été, etc… Et puis ça m’arrangeait bien de perdre quelques kilos!

A partir du moment où mon écho mammaire et celle de la thyroÏde étaient normales, tout s’est enchaîné très vite. En 3 jours j’avais fait biopsie/scanner et TEP Scan. Une semaine après j’avais le diagnostic. J’estime que j’ai été tès bien prise en charge et rapidement. Mon médecin traitant a été très réactive et pareil pour le CHD.

Le 24 novembre 2014 , j’ai reçu un appel de l’hématologue pour me prévenir qu’on avait un diagnostic et que je devais rentrer à l’hôpital l’après-midi même. A ma demande il m’a annoncé au téléphone qu’il s’agissait de la maladie de Hodgkin. Ce fut un total choc ! Inattendu évidemment surtout pour moi qui me croyait immortelle!

Je suis allée chercher mon fils à l’école pour prendre le temps de lui expliquer avec des mots simples ce qui allait se passer.

Mon mari m’a accompagné à la consultation d’annonce et là, 2ème coup de massue quand on a appris qu’il s’agissait d’un stade 3 voir 4 : ganglions au niveau du cou, de l’aisselle gauche, de la rate, de la crête iliaque, à proximité du coeur et le plus gros ( + de 10cm de diamètre ) au niveau du thorax. De cette consultation je ne me souviens que de mots clés comme « traitement agressif », » perte de cheveux », « coeur », « problème », « forte masse tumorale » et me revois dire : « Je ne me sens pas malade! »

Dès le lendemain matin, je passais des test pulmonaires et une écho du cœur. On me posait un cathéter : PICC LINE dans le bras. L’après-midi je débutais la chimio ! Let’s go!

– Quel traitement as-tu eu ?

J’ai reçu le protocole BEACOPP escaladé. Celui ci consiste en 6 cures. Une cure correspond à 3 semaines. La première semaine correspond à 3/4jours d’hospitalisation avec 3 jours de chimio. La 2ème semaine on reçoit une chimio (J+8) en hôpital de jour. La 3ème semaine c’est « repos ». Toutes les 2 cures on fait un sanner et TEP scan afin d’évaluer la réponse du traitement sur la maladie et d’adapter le traitement si besoin. Nous devons prendre quotidiennement des médicaments soit pour contrer certains effets secondaires, soit pour nous protéger des infections, virus, etc.

 – Comment ca s’est passé pour toi  ?

Grosso modo moralement ça s’est plutôt très bien passé et physiquement un peu moins!

J’ai cumulé et accumulé les effets secondaires.

Le 1er et celui que j’appréhendais le plus, fut la perte de cheveux. Ils ont commencé à tomber 15 jours après la première chimio, par poignées. C’était un matin et mon fils était présent donc j’ai tourné ça à la rigolade et les jours qui ont suivi comme ça l’amusait il participait à « enlever » mes cheveux. Mon mari s’est proposé pour me tondre le crâne, ce qui m’a beaucoup touché. Ce fut une épreuve dans la bonne humeur ! On était embarqué dans la même galère.. J’ai choisi de porter un turban car je n’étais pas à l’aise avec l’idée d’une perruque et mon fils non plus ! Une socio-esthéticienne est venue me voir dès ma première hospitalisation pour m’orienter dans mes choix pour choisir perruque ou turban, me donner des conseils pour protéger ma peau et mes ongles.

La bonne surprise fut de perdre tous mes poils ! Ça c’est top ! J’ai eu la chance de perdre mes sourcils et cils vraiment qu’en fin de traitement.

Les trois premiers mois j’ai eu des « petits » effets secondaires : mucites, réactions allergiques, bouchage de picline,douleurs osseuses, modification de goût, diarrhées , nausées, peau très sèche. Franchement, le personnel soignant est très à l’écoute et dispose de moyen pour essayer de calmer ceux-ci.

Les 3 derniers mois, je n’ai pas beaucoup quitté l’hôpital. j’ai fait aplasie sur aplasie. Mon  corps n’en pouvait plus. Même si la réponse au TEP scan était très positive, l’équipe avait décidé de continuer sur le même protocole pour s’assurer la rémission. Lors d’un scanner d’entre 2 cures on m’a découvert une trombose ovarienne.

Lors de ma dernière aplasie j’ai fait un choc sceptique. Horrible ! J’ai cru mourir. Le personnel a été super cette nuit là. Je remercie le personnel soignant du CHD et de ma commune pour leur professionnalisme et leur bienveillance.

Il y a également les effets secondaires à long terme comme la ménopause précoce et la fatigue « chronique ».

– Racontes nous comment  as-tu vécu cette période ?

Passé le choc de l’annonce, je ne me suis pas posée 36000 questions ! J’aime assez la vie, ma vie pour ne pas avoir à chercher des raisons de me battre ! Je ne me suis même jamais sentie aussi forte et vivante que pendant mon cancer ! Il y a eu des moments de doute et de raz-le-bol mais ça ne durait jamais bien longtemps ! J’ai essayé de garder au maximum ma vie d' »avant ». Je m’auto-coachais en quelque sorte. Je parlais notamment à mes globules blancs pour qu’ils remontent et que je sorte d’aplasie… Pour que je puisse manger normalement et voir mes enfants!!!

Ce qui a été le plus dur c’est l’annoncer à l’entourage. On sait qu’en un appel, un text, un mot on va charger un poids sur les épaules de nos proches. Il  n’y a pas de bonne méthode, bon moment pour de telles annonces. Etre source d’inquiètude est difficile à assumer.

Mon mari a été très grand. C’est lui qui s’est chargé en grande partie de prévenir nos proches et a dû répondre aux interrogations et inquiètudes, lui qui a dû gérer mes absences auprès des enfants. Ensuite, il s’est toujours comporté comme d’habitude avec moi. Il n’a rien changé, mon entourage également, ce qui m’a beaucoup aidé (même si parfois ça me fatiguait). Je ne me suis jamais sentie malade dans ses yeux, dans leurs yeux.

Mes parents et ma belle mère nous ont beaucoup soutenu et soulagé concernant tout ce qui est organisation : s’occuper des enfants, les garder, gérer les tâches quotidiennes, etc…Nous avons eu beaucoup de chance.

L’équipe soignante (docteurs, infirmiers, aides soignants, intendants, socio-esthéticienne, ambulanciers, taxis… ) était très présente aussi bien à l’hôpital qu’à la maison. Je leur tire mon chapeau.

Concernant les relations humaines, amicales, il y a eu des révélations, des confirmations, des surprises. On parle souvent de combat mais c’est surtout une aventure humaine.

Il y a 3 phrases que j’affectionne pour qualifier notre traversée du cancer :

« Le rire est le meilleur des médicaments. »

 » Souriez ! vos dents ne sont pas seulement faites pour mordre. »

 » Le rire c’est comme les essuis glaces. Il  n’empêche pas la pluie de tomber mais il permet d’avancer! »

 

– Comment s’est passé « l’après » ?

 L’après, psychologiquement,  fut beaucoup plus compliqué. Après  l’annonce de la rémission on se sent incroyablement seule ! On pense tout de suite à la récidive ! J’ai découvert durant cette période Marine de Nicola dit Momo et son blog « Kiss of Hurricane » ce qui m’a beaucoup aidé car je me suis retrouvée dans ses posts. Petit à petit on finit par reprendre confiance en soi et en son corps. J’ai repris à courir assez rapidement (3mois après) ce qui était pour moi la concrétisation de la rémission. J’ai commencé mon travail 6 mois après, à temps partiel et cela pendant un an, pendant lequel j’augmentais progressivement mon quota horaire. Reprendre une activité sportive et professionnelle aide à lutter contre la fatigue et également à passer à autre chose.

 – Et maintenant où en es-tu ?

Je suis actuellement à 2ans de rémission.

 Je n’ai plus aucun traitement. Apres ma rémission je suis entrée en contact avec des personnes de ma région qui luttaient ou luttent toujours contre Hodgkin afin de partager mon expérience et apporter mon soutien (ce que je ne souhaitais pas ou ne ressentais pas le besoin durant mon traitement).

– Est-ce que le lymphome a changé ta vie ? 

Oui! Le lymphome a changé ma vie ! Je sais maintenant qu’être malade n’empêche pas d’être heureux.

Par contre, il m’a volé mon insouciance.

Mais, me permet d’apprécier toujours plus chaque petit bonheur quotidien. Épicurienne un jour, épicurienne toujours!

Le cancer est un paradoxe: C’est une force qui vous fragilisé. Je  n’ai pas fondamentalement changé et pourtant je sais que je ne serai plus jamais la même.

Pour terminer je dirai que cette aventure m’a donné foi en l’humain!

Merci à tous.

 

Lexique :

BEACOPP : Protocole privilégié pour les formes à grosse masse tumorale  et les formes avancées de Hodgkin.

– Bléomycine

– Etoposide

– Adriblastine (Doxorubicine)

– Cyclophosphamide (Endoxan)

– Oncovin

– Procarbazine

– Prednisone

Traitement en ambulatoire et en hospitalisation. Les produits sont administrés en intraveineuse et par voie orale

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