On éprouve tous une certaine appréhension à reprendre le travail après la maladie.
Généralement, nous retournons travailler car nous en avons besoin psychologiquement mais cela peut aussi être pour des raisons financières ou parce que la Sécurité Sociale nous l’impose (Et oui, ça arrive !). Dans tous les cas, quelle que soit la durée de l’arrêt, la reprise est une étape importante dans la guérison. Mais c’est également une grosse source de stress. On se pose alors un tas de questions : Est-ce que ça va bien se passer ? Vais-je réussir à suivre le rythme ? Comment gérer mon poste avec la fatigue / les troubles cognitifs ? Comment vont être les collègues avec moi ?
Pour avoir entendu beaucoup d’histoires sur la reprise du travail, je sais qu’il n’y a pas de règle ; que ce soit une grosse ou une petite entreprise, quel que soit le métier, la durée de l’absence, on peut se retrouver confronté à des situations compliquées. Heureusement, certaines reprises se passent très bien ! Je ne veux pas inquiéter ceux qui sont encore en arrêt…. Mais, un jour, le moment venu, je vous raconterais mon histoire par rapport à ça…
J’entends beaucoup trop de choses inadmissibles par rapport à la reprise et je pense que beaucoup n’ont pas conscience des difficultés que nous rencontrons et il faut que ça change !
– Notre statut ne nous protège pas.
Alors oui, contrairement aux idées reçues, légalement, nous ne sommes pas protégé car nous avons un cancer et nous pouvons nous faire licencier (y compris durant l’arrêt de travail). Alors, évidemment selon le code du travail, les motifs sont limités et il faut que l’employeur puisse prouver tout ça devant les Prud’hommes. Et puis, même si on a une RQTH (Reconnaissance de Travailleur Handicapé), cela ne nous protège pas. Ca peut d’ailleurs être à double tranchant car votre employeur peut dire que votre poste n’est pas adapté, vous faire déclarer inapte et au final vous licencier ! Mais, le préavis de licenciement est plus long avec la RQTH (ça nous fait une belle jambe! ). Vous trouvez ça aberrant ? Moi aussi ! Et pourtant c’est la réalité.
Le problème c’est que certains patrons considèrent qu’avec la maladie on n’est plus bon à rien et qu’on les encombre plus qu’autre chose. Et, ils pensent (à tort) qu’on ne vas pas les poursuivre si ils nous licencient car on est trop faible et qu’on n’a pas les moyens financiers. Et bien non ! Il faut les attaquer ! On s’est déjà battu contre cette foutu maladie, et on ne se laissera pas faire ! Oui, c’est une démarche éprouvante mais de quel droit peuvent ils nous infliger ça ?
Pour moi les statistiques sur le sujet ne reflètent pas la réalité. Selon le Rapport de L’observatoire Sociétal des Cancers (2013), 3 personnes sur 10 qui étaient en emploi effectif au moment du diagnostic ont perdu ou quitté leur emploi deux ans après. Et, lorsqu’on interroge les salariés sur leur reprises, 1 sur 3 déclare n’avoir bénéficié d’aucune mesure pour l’aider durant son traitement ; 1 sur 2 dit que sa maladie lui a valût des répercussions sur sa vie professionnelle ; et 1 sur 4 s’est vu imposer un travail moins interressant.
Ce sont des chiffres officiels mais, combien de personnes ont été licenciées pour un faux prétexte alors que la vérité c’est juste que le cancer dérange ? Combien ont démissionné, poussé à bout par leur hiérarchie ou leurs collègues ?
Rien qu’en regardant autour de moi, les chiffres sont bien plus élevés que ceux de ce rapport officiel. Il semble donc qu’emploi et cancer ne font pas bon ménage en France….
– Le cancer, une force dans la vie professionnelle.
Mais au juste que nous reproche-t-on ? D’avoir eu la malchance que le cancer nous tombe dessus ? D’avoir une force de caractère qui nous a fait tenir durant ces longs mois de traitement ? D’avoir envie de vivre ? Ou d’avoir acquis des qualités durant cette épreuve ? Aujourd’hui, c’est prouvé qu’un salarié qui a affronté la maladie a certaines qualités très utiles dans le milieu professionnel. Nous avons acquis une force, une patience (à attendre nos chimios) et nous sommes plus résistant au stress (c’est sûr qu’après le cancer, le reste à coté semble dérisoire). En fait, ce qu’ils ne voient pas c’est que nous sommes meilleurs qu’avant, nous sommes plus fort, nous avons une vision de la vie différente.
Mais pourtant certains ne voient pas cet aspect. Ils ne voient que la fatigue, les problèmes de concentration et le risque de rechute. Je trouve ça ridicule car personne ne sait de quoi demain sera fait et eux même peuvent tomber malade ou se faire renverser par un bus….
Bien sûr, nous ne pouvons pas faire comme si nous avions eu une simple grippe. Le cancer fait parti de nous, de notre histoire. Et, qu’on le veuille ou non, cette épreuve nous a apporté du positif et du négatif. Après, c’est à chacun d’en tirer les leçons de cette expérience.
En ce qui me concerne, malgré les épreuves, les peines, les déceptions, j’essaye d’en tirer du positif. Bon, ce n’est pas tous les jours faciles mais, mon caractère de merde m’aide beaucoup ! Et je pense sincèrement que j’ai beaucoup appris de la maladie. Il faut dire que je me serais bien passé de ce lymphome mais vu qu’il s’est invité, autant faire avec… Dans tous les cas, cette expérience m’a permis de m’ouvrir à de nouvelles personnes, d’acquérir de nouvelles qualités. Bref, le genre de chose qu’un employeur devrait aussi apprécier.
Alors, Comment aborder sa reprise ? Faut-il être transparent avec son employeur ou pas ? Je crois qu’il faut faire comme vous le sentez. C’est selon votre caractère, ce que vous ressentez. Soyez vous-même et n’ayez aucun regret ! Après si ça se passe mal c’est que votre employeur et/ou vos collègues ne sont pas très humains, ni très intelligents….
– Les collègues sont-ils des alliés ou pas ?
Parfois, le problème avec les collègues, c’est que durant notre absence, tout le monde a bien parlé et y a été de son petit commérage. Et comme le lymphome n’est pas très bien connu, tout le monde y va de son interprétation…. Certains s’improvisent même médecin ! Et vu qu’ils se sont renseignés sur des sites internet douteux, ça devient du grand n’importe quoi ! Avez-vous déjà vu les vidéo de Noémie Caillaut, « Cancer et travail » ? C’est tout à fait ça !
Aux collègues d’une personne malade, je dirais soyez vous-même tout en étant humain et compréhensif. Nous sommes des êtres humains avant d’être des malades. Mais, il y a un juste milieu à avoir avec nous (et c’est là toute la difficulté) ; pas la peine d’en faire des tonnes !!!!
Pendant notre arrêt, prenez de nos nouvelles. Parce que la phrase : « J’ai pas osé, je me suis dit que tu te reposais », c’est un peu bidon quand on sait qu’on a été arrêté pendant des mois ! Ca coûte quoi d’envoyer un SMS ? Nous apprécions les petites attentions, même discrètes. Et, croyez-moi, rien que ça ça fait beaucoup dans les moments difficiles que nous vivons.
– Quel statut avons-nous avec un « handicap » invisible ?
Le souci c’est que notre visage ne laisse pas transparaitre nos problèmes et nos difficultés. Combien d’entre nous avons entendu « Tu as bonne mine! » Alors qu’en réalité on est épuisé, on ressent un vide indescriptible à l’intérieur, qu’on souffre (en silence), qu’on est complétement paumé…. Et comme c’est invisible, les autres ne s’en rendent pas compte ou ont tendance à minimiser le problème. Si un collègue a mal au dos, on lui installe un fauteuil de bureau approprié et le tour est joué. Mais, dans notre cas, que fait-on ? Bien sûr, on peut bénéficier de la RQTH mais, je trouve que ce n’est pas adapté à notre situation. Rien que l’appellation me dérange ; je ne me considère pas comme handicapée. Je me sens plus dans une période de transition qui nécessite quelques aménagements qui relèvent surtout de la compréhension et de l’humanité. Et cela me révolte qu’on doive avoir un statut « handicapé » pour bénéficier de ça. Ce statut est plus adapté (à mon avis) quand on a besoin d’aménagements sur le long terme. Et comment faire valoir un handicap invisible ? Et qui va s’estomper dans le temps ? Parce qu’il faut savoir (pour ceux qui l’ignorent) que le délai d’obtention de la RQTH est très long (ça dépend des départements mais si vous habitez en région parisienne, il faut compter 6 mois….) et que seul le médecin du travail peut en faire la demande (généralement au moment de la reprise). On a donc le temps de reprendre notre activité et limite la RQTH arrive quand les effets secondaires ont disparu…..
Dans tous les cas, essayer de rester détendu face à cette reprise. Vous pouvez anticiper et vous y préparer mais, on ne peut pas prévoir d’avance comment ça va se passer. Et si la reprise se passe mal avec votre employeur, vous avez des droits, vous pouvez être aidé mais quoi qu’il arrive, ne vous laisser pas faire. Aucun employeur n’a le droit de vous faire vivre un enfer sur votre lieu de travail, de vous rabaisser ou de vous mettre au placard juste parce que vous avez eu un cancer. Il faut vraiment que les mentalités évoluent ; que le cancer ne soit plus tabou dans le monde de l’entreprise. Il faut faire bouger les choses !
Votre commentaire