Le cancer, un réel traumatisme

Alors qu’en France nous commémorons les attentats du 13 Novembre 2015, je regarde pour la énième fois les images de cette nuit-là. J’écoute les témoignages des victimes et, cette année, le discours qu’ils tiennent sur le choc psychologique, l’incompréhension de leur entourage, la solitude et, cette souffrance qui ne se voit pas, me rappelle étrangement ce que nous vivons après un cancer.

On se souvient tous de ce 13 Novembre 2015 et de ce qu’on faisait au moment où on a découvert l’horreur à la télé et ce qu’on a ressenti. Il en est de même pour le 11 Septembre 2001 où, à l’époque nous étions encore insouciant face au terrorisme. Et puis, pour moi il y a le 11 Mars 2016. Cette 3ème date, c’est celle qui a changé ma vie, celle où j’ai appris que j’avais un cancer. Nous nous souvenons tous de ce jour avec plus ou moins de détails. Et nous ne pouvons oublier ce qu’on a ressenti ce jour-là. Je me souviens des cinq minutes qui ont précédé l’appel du médecin. J’étais à mon travail, je plaisantais, insouciante avec un collègue (et ami) au téléphone. Et puis, quand j’ai vu que mon médecin appelait sur mon portable, j’ai senti que je devais prendre cet appel. J’ai posé le combiné du téléphone sans me douter que mon collègue (ami) allait assister en direct à cette annonce et au pire moment de ma vie. Je me souviens seulement de quelques mots : « Maladie de Hodgkin », « Cancer », « Lymphome », « Chimiothérapie », « Se soigne bien ». Cet instant a changé ma vie à jamais !

Ce matin, sur les chaînes infos, les survivants des attaques disaient que leur entourage ne comprenait pas, parce qu’ils ne l’ont pas vécu, qu’ils ne savent pas comment aider, pensent qu’il faut oublier, passer à autre chose. Mais, ce n’est pas possible, ce serait tellement facile…. Et pour nous, c’est pareil !

Les médecins et spécialistes évoquent un choc post-traumatique après un cancer. Vous savez, c’est comme un soldat ou un journaliste de guerre qui rentre du front et qui ne peut pas oublier, qui revit les événements. Pendant les traitements, nous sommes en mode « survie » et donc nous ne réalisons pas trop ce qu’il se passe. Cela survient à « l’après cancer » quand nous regardons en arrière les mois passés à combattre la maladie. Savez-vous ce que cela fait de vivre une guerre mais à l’intérieur de soi ? Vous avez confiance en votre corps, vous pensez tout savoir de lui et surtout connaître ses limites. Mais, quand votre corps vous lâche, qu’il se retourne contre lui-même et que vous ne lui faites plus confiance, comment faire ? Ce corps qui a tellement souffert durant des mois avec les traitements…..

Parfois, cela ne se voit pas mais il reste des stigmates ; la perte / prise de poids, les cheveux qui repoussent (pas assez vite à notre goût) et les cicatrices qui nous rappellerons à jamais ce qu’on a vécu.  Alors, ne nous dites pas d’oublier car c’est impossible !!! Et puis, il y a les faiblesses de notre corps qui nous rappellent sans cesse cet événement traumatisant, les dates « anniversaire » qui nous replongent dans cette épreuve. Je n’ai oubliée aucune des dates de cette période ; de la première fois où j’ai senti cette boule (et ce que j’ai ressenti à ce moment -là : un mauvais pressentiment qui m’a glacé le sang) à aujourd’hui. Chaque étape est gravée en moi à jamais. Alors oui, je sais que les proches détestent entendre ça mais, vous ne pouvez pas comprendre tant que vous n’avez pas vécu un événement aussi traumatisant. Et, je ne souhaite à personne de le vivre…. Mais, c’est dur de se battre contre soi-même.

Combien de fois j’ai entendu : « C’est rien, tu as de la chance, ça se soigne bien ! » On le sait très bien mais, il y a quand même des moments de doute, de peur. Lorsque je parle avec vous, certains me confient leurs inquiétudes, leurs angoisses, et leur peur de mourir. On est tous passé par là ; moi la première ! Je me suis demandé « Et si je ne m’en sortais pas ?  » Sauf que nous sommes seuls face à cette question. A qui en parler ? A son conjoint ? A ses parents ? A ses frères / sœurs ? Non, c’est déjà assez dur pour eux alors pas la peine d’en rajouter… Parce que en plus des moments difficiles, nous essayons de protéger nos proches pour ne pas (plus) les inquiéter. Nous faisons bonne figure et nous minimisons les douleurs, la situation.

La période de « l’après » est vraiment très compliquée à vivre pour nous. La maladie ne se voit plus (nos cheveux repoussent) et notre entourage se relâche. Tous ceux qui ont été présents en ont assez et se disent que la vie reprend. Mais, pour nous, ce n’est pas aussi simple que de tourner une page. Après avoir frôlé la mort, la vie ne reprend pas comme ça. Nous restons encore dans l’incertitude, des questions restent sans réponse, notre avenir est encore flou. Alors , il est difficile de se projeter vers un avenir heureux et en bonne santé. Nous savons à quel point la vie est fragile , nous avons perdu notre insouciance.

Et puis, il y a cette fatigue envahissante et qui reste incomprise par l’entourage. Combien d’entre nous ont entendus : « Tu es fatiguée mais tu te reposes tout le temps ! » Il faut comprendre qu’il y a la fatigue physique et la fatigue psychologique. Tout d’abord, il faut que vous sachiez que les chimiothérapies et autres médicaments ne s’éliminent pas de notre organisme en 5 min mais plutôt en 1 an ! Cette fatigue ne se voit pas (d’où la complexité) mais, elle empire avec les nombreuses questions qu’on se pose (dont on ne parle pas forcément), les rendez-vous médicaux qui nous font revivre les moments difficiles et nous procurent un certain stress.

La reprise d’une vie « normale » est un cap difficile à franchir. Nous en avons besoin bien évidemment mais, nous avons changé avec la maladie. Nous devons vivre avec elle, avec cette épée de Damoclès, avec nos angoisses.

Il y a peu de temps, quelqu’un m’a dit que le cancer était son métier et donc qu’il le connaissait bien. C’est plutôt facile quand on a appris le cancer dans des bouquins ! Sauf que nous l’avons appris contraints et forcés avec des chimiothérapies qui coulent dans nos veines ! Bien évidemment, chaque cas est différent et chacun vit la maladie à sa façon mais, nous avons été confronté à des choses dures, à la mort.  Le cancer fait partie de nos vies. Pas par choix contrairement à ceux qui travaillent dans ce domaine mais parce qu’il s’est invité en nous. Et pour cette raison, nous le connaissons (malheureusement) mieux que certains ne le connaîtront jamais….

Le traumatisme réside aussi dans le fait que nous devons réapprendre à vivre après la maladie. Nous devons nous réapproprier notre corps qui est meurtri. Il a été mis à rude épreuve avec les traitements et à beaucoup encaissé. Et puis, il faut refaire confiance à son corps pour passer au-dessus et ça c’est une étape difficile. Pour moi, un mec qui me trompe ou me ment, ce n’est pas pardonnable ; il dégage et c’est tout ! Mais là c’est mon corps (et je ne peux pas en changer) donc bien qu’il m’ai trahi, on reste enchaîné l’un à l’autre. Est-ce que je pourrais un jour lui pardonner ? Je ne crois pas… (Je suis un peu rancunière. Lol). Va-t-il me trahir de nouveau ? Je ne sais pas…. Parce que par exemple, je sais (par expérience) qu’un mec qui a trompé / menti une fois, recommencera…. (Désolé les gars de vous prendre pour exemple mais c’est le seul qui m’est venu à l’esprit). J’espère juste que mon corps ne pense pas comme un mec…. Enfin, il y a quand même des exceptions ! (ben oui, je le sais quand même qu’il y a quelques perles rares).  Alors, pour les proches des malades, arrêtez de faire comme si tout allait bien dès que le mot rémission est prononcé. Parce que c’est à ce moment-là que nous avons le plus besoin d’être entouré et d’être encouragé pour un retour vers une vie « normale » (à notre rythme). Et, petite précision, c’est valable sur tous les plans (amical, sentimental, familial, professionnel).

Dans certains cas, ce traumatisme peut être très mal vécu et conduire à une dépression. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’il existe des Onco-Psychologues. Cela veut quand même dire que des psy se sont spécialisés en oncologie pour mieux nous comprendre et nous accompagner. Personnellement, j’en ai vu un (ne me demandez pas pourquoi car je n’en éprouvais pas du tout le besoin) et ça n’a pas été très concluant. Je crois surtout qu’on ne s’est pas du tout compris. Pour lui, être en contact avec d’autres malades ne me fait pas avancer et serait même néfaste. Idem pour le bénévolat. Si il savait la réalité (Oups, j’ai oublié de lui parler du blog). Et avoir des amis qui ont eu un cancer c’est pas bien non plus…. Bon j’ai tout faux en fait. Par contre, sa préoccupation majeure était que je trouve un mec….. Bref, pour un psy je crois qu’il m’a plutôt mal cerné. Mais, heureusement ils ne sont pas tous comme ça. Et puis, ça a eu le mérite de me faire rire (et vous maintenant).

Donc oui, nous vivons un réel traumatisme et nous avons besoin de nous reconstruire entièrement après cette épreuve. Mais, il nous faut du temps et du soutien pour y parvenir. Et, je pense que ce traumatisme peut être atténué ou amplifié selon notre entourage et la façon dont il réagit et nous soutien. Et malgré tout ça, nous pouvons y voir le positif que cette expérience nous a apporté car « What doesn’t kill you make you stronger » (ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort).

Un commentaire sur “Le cancer, un réel traumatisme

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  1. C’est tellement vrai!!! après un cancer on a l’impression de regarder sa vie d’avant avec d’autres yeux. on revient là où on a laissé notre vie « avant » mais plus rien ne sera jamais comme avant. moi je navigue entre l’euphorie d’être vivante et de vivre encore plus fort, et l’épée de damoclès que je gère mal. tu m’as bien fait rire avec le psy d’ailleurs haha. la mienne aussi m’a suggéré de prendre du recul avec la maladie et donc avec insta, mais je n’y arrive pas, ca fait tellement de bien d’avoir des personnes qui vivent la meme chose et comprennent, ce lien invisible qui nous unis. meme si j’avoue que c’est aussi a double tranchant, les choses tristes et négatives on se les prend en pleine face encore plus fort. gros bisous

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