Préservation de la fertilité – Chapitre 1 : Généralités

La préservation de la fertilité est un sujet qui doit être systématiquement abordé lorsqu’on a un cancer et qu’on est en âge de procréer (qu’on ai déjà des enfants ou non). Ce sujet est parfois tabou mais il est primordial de l’évoquer car les conséquences sont irréversibles….

Aujourd’hui, on constate qu’il y a un manque d’information en ce qui concerne les patients mais également le personnel médical. Bien sur, chaque cas est différent mais il existe des techniques adaptées à la situation de chacun et à l’urgence vis-à-vis de la maladie.
Je sais que beaucoup se posent des questions et qu’en même temps, lors du diagnostic, cela peut sembler secondaire. Mais, malheureusement, dans l’urgence, il faut prendre la bonne décision. C’est la raison pour laquelle j’ai essayé de vous compiler l’ensemble des informations sur le sujet ainsi que les témoignages de personnes ayant bénéficié des différentes techniques (et du mien aussi). Cela ne remplace pas l’avis médical ; c’est un sujet que vous devez évoquer avec votre hématologue et avec le spécialiste de la fertilité.
Le sujet étant assez vaste, je vous le découpe en 3 chapitres :
– Chapitre 1 : Qu’est ce que la préservation de la fertilité ? Et Pourquoi ? Généralités.
– Chapitre 2 : Les différentes techniques de préservation de la fertilité chez la femme.
– Chapitre 3 : Les différentes techniques de préservation de la fertilité chez les hommes et les enfants.

 

– Que dit la loi ?

Depuis 2010, l’INCA (Institut National du Cancer) précise que les adolescents qui doivent recevoir un traitement gonadotoxique doivent être informés des risques des traitements et des possibilités de préservation de la fertilité.
Le CNGOF (Collège National des Gynécologues et Obstétriciens français) précise également que toute femme de moins de 40 ans doit en être informée.

En 2013, un rapport conjoint réalisé par l’INCA et l’Agence de Biomédecine sur les conséquences des traitements des cancers et la préservation de la fertilité a permis de faire un état des lieux. Il a été mis en avant quelques pistes d’amélioration comme :
– Rendre systématique l’information des patients sur les risques connus d’infertilité suite aux traitements (y compris pour les enfants et les adolescents).
– Faciliter l’accès aux structures spécialisées et sensibiliser les équipes médicales.

En France la préservation de la fertilité s’inscrit dans le cadre de la loi de bioéthique de 2004 et de l’Article L2141-11 du code de la santé publique modifié par LOI n°2011-814 du 7 juillet 2011 – art. 32 : « Toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible d’altérer la fertilité, ou dont la fertilité risque d’être prématurément altérée, peut bénéficier du recueil et de la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux, en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d’une assistance médicale à la procréation, ou en vue de la préservation et de la restauration de sa fertilité. Ce recueil et cette conservation sont subordonnés au consentement de l’intéressé et, le cas échéant, de celui de l’un des titulaires de l’autorité parentale, ou du tuteur, lorsque l’intéressé, mineur ou majeur, fait l’objet d’une mesure de tutelle. Les procédés biologiques utilisés pour la conservation des gamètes et des tissus germinaux sont inclus dans la liste prévue à l’article L. 2141-1, selon les conditions déterminées par cet article. » Information et consentement Le III-4.1. Information et consentement de l’annexe de l’arrêté du 3 août 2010 modifiant l’arrêté du 11 avril 2008 relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation, prévoit les dispositions suivantes : « III-4.1. Information et consentement Toute personne devant subir un traitement présentant un risque d’altération de sa fertilité a accès aux informations concernant les possibilités de conservation de gamètes ou de tissu germinal. Lorsque la conservation est réalisée dans le contexte d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital, le patient reçoit une information spécifique et ciblée. Le patient, le titulaire de l’autorité parentale s’il s’agit d’un mineur ou le tuteur si la personne est placée sous tutelle donne par écrit son consentement. « 

 

– Le Plan Cancer 2014-2019 :

Le plan Cancer 2014-2019 prévoit de systématiser l’information lors de la consultation d’annonce. Et cela, y compris pou les enfants et les adolescents. Et, même lorsque le traitement de première intention n’apparaît pas comme stérilisant. Lorsque le patient le souhaite, l’adresser à un spécialiste de la reproduction compétent en préservation de la fertilité.

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→Concrètement :
Tout enfant ou personne en âge de procréer doit bénéficier d’une préservation de la fertilité. Cela doit faire l’objet d’une discussion entre le service d’hémato-oncologie, le centre de préservation de la fertilité et le patient (ou sa famille si mineur).
La prise en charge doit être immédiate, dès l’annonce du diagnostique. L’équipe en charge de la préservation doit s’organiser pour donner un rendez vous sous 48h en cas d’urgence.

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Selon une étude réalisée fin 2017 par l’Inca et l’Agence de Biomédecine, on en conclut que l’information de la préservation de la fertilité doit être délivrée à 17 200 personnes par an. Soit 10 400 hommes de moins de 50 ans et 6 800 femmes de moins de 35 ans au moment des traitements. Cette limite au niveau de l’age a été fixée en fonction de la prise en compte des durées de traitements oncologiques qui retardent le projet de procréation.

Le CECOS est un centre de préservation de la fertilité implanté au coeur du CHU. Il regroupe des médecins, biologistes, psychologues, etc. On en compte 26 sur le territoire français.

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Personnellement, lors de la consultation d’annonce, mon hématologue m’a interrogé sur ma situation personnelle (en couple ? Enfants ?). J’avais 35 ans, célibataire, sans enfant. Elle m’a donc demandé si mon souhait était d’avoir des enfants ou non. Sur le moment, je n’ai pas compris pourquoi on parlait de ça alors que 5 min avant elle venait de m’annoncer un cancer. Le lendemain, l’infirmière de coordination m’informait qu’un rendez vous avait été pris avec un spécialiste à l’hôpital St Louis. A ce moment là, je n’avais pas compris encore que les traitements pouvaient altérer la fertilité. Ce fut donc le choc (une deuxième fois) lors de ce rendez vous, 10 jours plus tard. J’ai aussi pris conscience de la gravité et de l’urgence de la situation puisqu’on m’a dit que je devais prendre la décision très vite car nous ne pouvions pas attendre pour commencer le traitement oncologique. Là où j’ai eu beaucoup de chance, c’est que j’étais à quelques jours de mon 36ème anniversaire….. Encore un peu et j’étais considérée comme trop vieille….

Si on regarde l’accès géographique aux centres spécialisés dans la préservation de la fertilité, on constate des disparités. En effet, en Ile de France, il y a beaucoup plus de préservations qui sont effectuées par rapport au reste du territoire national. Cela s’explique par la présence de centres spécialisés. En Corse, faute de centre, les patients sont pris en charge par la région PACA. En Martinique, on constate certaines difficultés à ce niveau là car il n’y a pas de laboratoire et l’éloignement avec la métropole rend difficile la prise en charge. La Guyane quant à elle s’est associée avec le Centre Léon Bérard de Lyon pour la prise en charge de ses patients.

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– Chez les femmes

On sait que les effets gonadotoxiques sont fortement dépendants de l’âge : plus la patiente est âgée, plus la dose cumulée du médicament cytotoxie induisant une aménorrhée (= Absence de règle chez une femme en âge de procréer) définitive diminue, et moins la récupération de la fonction gonadique est possible.
Prenons par exemple, la dose moyenne cumulée de Cyclophosphamide (= Endoxan et présent dans la plupart des protocoles pour les lymphomes : BEACOPP, CHOP, R-CHOP, R-CVP, R-ACVPB, EPOCH, RFC, Hyper CVAD, Mini – CHVP) qui provoquent une aménorrhée définitive :
– 9300 mg à 30 ans
– 5200 mg à 40 ans
Pour les jeunes filles, l’aménorrhée n’est pas rare mais une restauration reste possible à l’arrêt du traitement.
En gros, on estime qu’à l’issu des traitements, l’âge ovarien (estimé par la réserve ovarienne), subit un vieillissement d’une dizaine d’année par rapport à l’âge biologique de la femme.
Attention, la réapparition des règles à la fin de la chimio ne garantie par un retour des fonctions de reproduction. Par contre, chez les femmes de plus de 35 ans, le risque d’insuffisance ovarienne est élevé. Afin de l’évaluer, un bilan hormonal ainsi qu’une échographie doivent être prescrit.
Lorsque la quasi-totalité de la réserve ovarienne a disparu, les règles s’arretent, avec pour conséquence un manque d’oestrogène (avec bouffées de chaleur, sécheresse vaginale, douleurs pendant les rapports) et un risque d’ostéoporose. Avant 40 ans, il est nécessaire de discuter d’un traitement hormonal substitutif. En cas d’absence de règles pendant plusieurs années avec un bilan montrant une IOP (= Insuffisance Ovarienne Prématurée), les chances de grossesses sont exceptionnelles mais pas impossibles ; des phénomènes de reviviscence ovarienne peuvent aboutir à des grossesses spontanées.

→Toxicité sur les ovaires
– Fonction endocrine : Sécrétion d’oestrogènes, progestérones, androgènes de la puberté à la ménopause : Assez fréquente mais réversible
– Reproduction : Production d’ovocytes matures aptes à la fécondation : Diminution de la fertilité. Non réversible car les ovocytes ne se divisent pas (absence de cellules souches dans l’ovaire).

→Impact de la chimiothérapie sur le risque d’aménorrhée chimio-induite (ACI).
Risque élevé >80% ACI :
– Cyclophosphamide
– HD++
– Busulfan
– Melphalan
– Ifosfamide
– Chlorambucil
– Protocoles avec Procarbazine (ex : MOPP, COPP, MVPP, BEACOPP)

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La radiothérapie entraîne également des problèmes. Bien évidement, tout dépend de la dose, du fractionnement et de l’age de la patiente.
D’une façon générale, avec des doses comprises entre 14 et 30 Gy, on constate une baisse de la vascularisation, une diminution de l’élasticité. Les risques de prématurité et de retard de croissance intra utérin augmentent.

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Témoignage d’Agnès

Lorsqu’on m’apprend que j’ai un lymphome, c’était un 2015. J’avais 27 ans et je suis en couple depuis plusieurs années.
Mon mari avait très envie qu’on se lance dans l’aventure « bébé ». Et moi aussi.
On avait convenu de commencer à essayer à partir de septembre 2015. Dommage, le diagnostic tombe en mars 2015.
Au placard, les envies d’enfants !
 
Le sujet de la fertilité a été abordé dans les premiers ; je crois que c’était lors du premier rendez vous avec l’hématologue.
Je me rappelle très bien ce qu’elle m’a dit. « Ne vous inquiétez pas, après les traitements, vous pourrez avoir des enfants sans problème. On reçoit sans cesse des faire-part de naissance des personnes qui ont été traitées ». Très bien. Et en même temps, à ce moment là, les enfants je m’en fous.
Elle me dit qu’il faudra attendre entre deux et cinq après les traitements pour essayer.
Je prends même pas en compte la possibilité d’avoir ou pas des enfants, ou la possibilité de pas réussir a en avoir.
A ce moment là, donc je veux seulement me soigner. Le reste ne compte pas.
Donc on ne me propose pas de prélèvement ou autre. Et en même temps, je ne demande pas. J’ai confiance en cette femme, mon hématologue.
 
La conversation revient un peu plus tard. Mars 2017, rendez vous avec mon nouvel hématologue (l’autre est partie, changement d’hôpital).
J’aborde donc le sujet avec lui. Je voulais savoir si je pouvais commencer à y penser puisqu’on est à un peu plus 2 ans de la fin des traitements.
Sa réponse : oui on peut essayer, il n’y a pas de danger. PAR CONTRE, il me dit que je risque de pas réussir et que SI ça ne fonctionne pas dans les 6 mois, il faudra se renseigner pour faire des FIV.
Alors ça, je m’y attendais pas, mais alors pas du tout. Dans ma tête, je me dis : je suis passée à côté de quelque chose.
Je m’en veux, je me dis que je me suis pas assez renseignée. Ayant des amis qui sont dans les processus de FIV, je me dis que je pourrais pas vivre ça.
Et en même temps, j’arrive pas non plus à écarter la voie de l’hématologue lors du premier rendez-vous. Finalement, je me décide.
Tant pis, j’ai confiance en ma première hémato. On verra bien !

Aujourd’hui, je suis enceinte de deux mois. Alors, il est encore un peu tôt pour dire que tout va bien dans le meilleur des mondes.
Mais ça a marché. Je suis contente, mon mari aussi.
Ma première hémato avait raison. J’ai bien fait de l’écouter et de garder la confiance que j’avais mis en elle.
 
Alors oui, c’est possible.
Il faut garder espoir. La vie reprend toujours le dessus.

Blocage ovarien : Un traitement anti-gonadotrope est généralement associé à la chimio.
L’induction d’une aménorhéee pendant la chimio permet de limiter les épisodes hémorragiques. Le traitement proposé est alors une association d’estroprogestatives en continu, progestatifs macrodosés en continu, et les analogues de la GnRH (injections mensuelles ou trimestrielles).

 

– Chez les hommes

La conservation des spermatozoïdes doit être systématiquement proposé pour tout homme de moins de 60 ans, quelque soit le caractère stérilisant ou non du traitement car une intensification thérapeutique secondaire est toujours possible. On compte 180 000 nouveaux cas de cancer chez l’homme chaque année et environs 2000 autoconservations de sperme. Chez les adolescents, les chiffres s’améliorent mais restent plus faibles que chez l’adulte.
Une autoconservation des spermatozoïdes est proposée à partir de 12 ans (qu’on soit célibataire ou en couple) ; avant on fait un prélèvement du tissu testiculaire.
Comme pour les femmes, les agents les plus toxiques sont le Cyclophosphamide et le Procarbazine. Dans le cas d’un Lymphome Hodgkinien, le traitement par ABVD comporte un faible impact sur la fertilité. Par contre, pour les LHN, l’impact sur la fertilité dépend du stade, du traitement et de la greffe (si elle a lieu) ; c’est pourquoi on propose systématique la préservation.

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Pendant les traitements, on peut observer différents phénomènes :
– Baisse de la testostérone.
– Possibilité de grossesse (mais rare) : utilisation d’un contraceptif car risque de malformation fœtale.
– Oligospermie (= baisse des spermatozoïdes).
– Azoospermie (= baisse des spermatozoïdes dans le sperme).

A long terme, on peut observer des troubles de la sexualité, de l’ostéoporose, diminution de la fertilité voire stérilité.

 

Les différentes techniques de préservation selon les patients seront abordées dans les prochains chapitres.

 

Sources :

https://www.revmed.ch/RMS/2014/RMS-N-447/Techniques-de-preservation-de-la-fertilite-chez-la-femme-en-age-de-procreer

http://www.wikipedia.fr

http://www.liguecontrelecancer.com

http://www.francelymphomeespoir.fr

https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/techniques-preservation-fertilite

https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/techniques-preservation-fertilite

Cliquer pour accéder à referentiel_preservation_de_la_fertilite_2016_2.pdf

http://www.oncorif.fr/2017/11/preservation-de-la-fertilite-et-cancer-estimation-de-la-population-concernee/

http://www.jim.fr

http://www.afsos.org

http://www.cecos.org

http://www.inserm.fr

http://www.cliniqueovo.com

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