Interview n°52 : Emma

Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Emma, j’ai bientôt 21 ans et j’habite en Alsace dans l’Est de la France.

Quel lymphome as-tu ?

Un lymphome de Hodgkin stade II A.

Quand et comment as-tu découvert la maladie ?

Dîplomée en 2016, tout a commencé au moment où j’ai décidé de retourner travailler après une année sabbatique. J’exerce dans le commerce de gros et la pénibilité au travail est bien présente, c’est la raison pour laquelle je ne me suis pas inquiétée de ce qui s’est avéré être les premiers symptômes de mon cancer.

Je venais d’avoir 19 ans et ce n’était pas mon premier emploi dans ce domaine, j’étais donc consciente que physiquement l’adaptation de ce nouvel environnement allait me prendre un peu de temps. Après deux mois d’activités, j’ai remarqué que je toussais quotidiennement depuis plusieurs semaines, une toux sèche. Mon corps me faisait terriblement souffrir, je recommençais ma semaine que je n’avais pas récupérée de la semaine passée. Je dois avouer que cela m’intriguait, mais incommodée par une maladie chronique depuis plusieurs années, c’était plus simple pour moi de mettre la faute là-dessus que de me poser les bonnes questions.

La période des fêtes de fin d’année fut compliquée, j’avais l’impression d’être l’ombre de moi-même, aucune dynamique dans mon travail. Je me rappelle avoir eu cette pensée me disant avoir besoin de quelques jours de repos pour récupérer.

Le samedi 6 janvier 2018, ma mère me récupère après ma journée, mes jambes ne me portaient plus, une douleur foudroyante me traverse le corps. À peine rentrée, je m’endors pendant presque 24 h, mon week-end aussi court soit-il n’aura été rythmé que par des quintes de toux, des courbatures et de la fièvre. Rien de plus légitime en hiver ? 

Dès lundi, je me suis rendue chez ma généraliste, elle m’annonce une rhino-bronchite et signe un arrêt maladie qui lui signera à son tour la fin de mon contrat de travail (et oui, comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule).

Au fil des semaines, cette rhino-bronchite aura évolué en grippe puis en pneumonie. J’ai passé un superbe mois de janvier sous antibiotiques, par IM puis par IV. Mes veines avaient déjà éclatées que le combat n’avait pas encore commencé. Inquiétée par ma toux sèche et chronique, ma généraliste me prévient que si au prochain bilan sanguin les leucocytes n’ont pas régressés, par précaution, je devrais passer une radiographie du thorax. Ce qui s’est donc produit le 23 janvier. Sur place, le personnel médical me fait part de leur inquiétude et décide de me faire passer un scanner en me confirmant à ce moment-là, une masse au niveau du médiastin.

Quelques jours plus tard, mon médecin me rappelle en me disant que mon dossier est passé entre les mains d’un chef de service d’un hôpital de la région pour un diagnostic confirmé, ce qu’elle appréhendait de faire. Très innocemment, je me rends aux examens prévus, une biopsie médiastinale dans un premier temps puis un Tep Scan. C’est un examen assez pénible et je ne rendais absolument pas compte de son importance à ce moment-là. Les résultats se sont fait attendre de nombreuses semaines, pendant ce temps-là, j’ai eu l’occasion d’être en contact avec un interne qui me disait que le prélèvement déjà examiné ne présageait rien de grave et que je n’avais aucune raison de m’inquiéter. En raccrochant, je me rappelle, le sourire aux lèvres avoir exprimé aux personnes autour de moi « yes, je n’ai pas de cancer, c’est une bonne nouvelle ! »

Les résultats sont tombés le 9 mars 2018, un cancer du système lymphatique, plus communément appelé un lymphome.

J’ai appris la nouvelle par téléphone, à peine raccroché, j’en ai immédiatement fait part à ma mère, qui très étonnant a réagi calmement. Il y a eu plusieurs cancers dans ma famille, dont le lymphome de ma grand-mère un an et demi plus tôt. Au moment de l’annonce, l’interne m’a expliqué plusieurs étapes du processus de guérison, mais la prochaine étape pour moi était l’opération qui allait permettre d’établir le traitement curatif adapté. Je suis donc passé entre les mains d’un chirurgien pour une médiastinoscopie (c’est à elle que je dois la jolie cicatrice sur mon cou.)

Mon cancer au final ? Un lymphome de Hodgkin stade II A localisé, la masse principale située au niveau du médiastin avec une atteinte au coeur et au poumon droit.

Le diagnostic établi, je commençais mon mois d’avril sous un traitement de stimulation en vue d’une auto-conservation d’ovocytes, l’opération a eu lieu le 10 avril. C’est l’un des nombreux sujets qui me touche beaucoup, j’en parle d’ailleurs sur mon compte Instagram. Cette période post-opératoire fut extrêmement douloureuse, autant sur le point physique que psychologique. Mon corps n’avait plus aucune ressource, mes symptômes étaient nocturnes (la fièvre, la toux sèche, les sueurs froides, les courbatures, le souffle court, les difficultés respiratoires, les insomnies) et j’avais de plus en plus de mal à les gérer.

Comment as-tu vécu cette période ?

Le 13 avril, je suis rentrée en hospitalisation complète pour ma première chimiothérapie, le corps en morceau et dans le pire service de mon hôpital. Après de multiples examens et la pose de mon PICC Line, on m’a annoncé que mon traitement curatif était composé de deux parties, la chimiothérapie (2 BEACOPP, 2 ABVD) puis la radiothérapie avec 15 séances.

J’ai commencé la chimio le 17 avril, les jours passent relativement vite et les médecins sont confiants. D’apparence, cette première chimio se déroule plutôt bien selon eux malgré les plus gros effets secondaires notables du BEACOPP comme, l’asthénie, la perte d’appétit, les nausées et la moelle qui se révèle de ses fonctions sournoisement. De mon point de vue, c’était un peu différent, j’avais cette nette impression de me décomposer de l’intérieur même si l’asthénie restera le pire de mes effets secondaires.

Au 8e jour de traitement, je suis rentrée chez moi, très heureuse de retrouver mon petit confort. Quelques jours plus tard, l’aplasie fébrile étant bien présente mon corps n’avait plus la capacité de guérir mes plaies, j’ai tristement développé une septicémie qui me transportera aux urgences dans la nuit du 26 au 27 avril. C’est d’ailleurs pendant l’hospitalisation qui a suivi en médecine interne que j’ai perdu mes longs cheveux, le 14e jour après le début du traitement et j’étais si fière des 13 mm qui me restaient. J’ai rasé ensuite mon crâne le 4 mai et je n’ai jamais ressenti une aussi belle sensation de liberté. J’ai adoré être chauve.  

Malgré leur présence constante jusque-là, mon entourage se posait énormément de questions concernant l’avancée de la maladie, c’est la raison pour laquelle je partageais au-delà des groupes communs mes aventures en Stories Instagram. C’était un moyen accessible et moins douloureux pour moi que de m’exprimer à chaque nouvelle avec des mots. Je suis passionnée d’écriture depuis toujours et depuis l’annonce de la maladie, il m’était impossible de mettre des mots sur mes maux. Le jour où j’ai coupé mes cheveux, je me suis sentie différente, j’ai compris un tas de choses et dans la nuit qui a suivi, j’ai écrit. C’est le lendemain que j’ai décidé de partager le premier texte, celui d’une longue série pour raconter mon histoire, mais toujours de façon à ce qu’on puisse s’identifier ou comprendre l’impact d’un cancer dans une vie.

Mes deux premières chimiothérapies se sont vraiment mal passées, que ce soit au moment de recevoir le traitement, de l’accompagnement, sans parler de la vague d’effets secondaires qui fût insoutenable. Le 29 mai, mon nouvel hématologue m’apprenait ma rémission complète ! J’ai décidé à ce moment-là de changer d’hôpital, je ne me sentais plus en confiance au vu des nombreuses erreurs médicales effectuées lors de ce premier protocole (notamment le fait que j’ai bénéficié de 2 BEACOPP que je n’aurais pas dû avoir). Suite à ça, le 1er juin, j’ai demandé à me faire poser une chambre implantable (Simon pour les intimes). J’ai débuté la radiothérapie mi-août, qui dans mon cas a servi à consolider le travail des chimios. Globalement, la fin de mes traitements s’est bien passée et c’est essentiellement grâce à mon copain qui a mis sa vie de côté pour veiller sur moi à chaque instant. Il m’a porté à bout de bras dans les moments les plus durs, et je ne saurais lui exprimer mon infinie gratitude pour l’amour et la bienveillance dont il a fait preuve à mon égard.

Comment s’est passé « l’après » ?

L’après-cancer a été extrêmement difficile à gérer. J’ai une immense chance de pouvoir le connaître et pourtant, je suis tombée dans une très grosse déprime me sentant seule au monde avec mon corps meurtri. On parle rarement de cette période, quand ton corps se relâche et qu’il peine à tout remettre dans l’ordre. D’un coup, j’ai eu cette impression que mon propre corps m’était inconnu. J’ai également vécu énormément de pression de la part du corps médical concernant ma vie professionnelle, comme si tout devait recommencer comme avant.

J’ai commencé très rapidement la rééducation physique adaptée pour pouvoir me remettre au sport de façon autonome. La chimiothérapie ayant bouleversée beaucoup de choses, je bénéficie toujours de traitements de supports avec un traitement médicamenteux régulier. J’ai eu l’occasion dans mon cheminement de faire des rencontres très enrichissantes, dans la vie de tous les jours comme sur les réseaux sociaux où j’y ai découvert une communauté d’une bienveillance rare. 

Et maintenant où en es-tu ?

Aujourd’hui, je fête mes 1 an de rémission ! Je travaille sur de nouveaux projets professionnels, il y a des jours avec et des jours sans, mais je me sens tellement reconnaissante d’être en vie. Je n’appréhende plus les difficultés qui se présentent à moi, j’ai conscience que leur complexité font de la vie une aventure où l’on peut retrouver du positif en chacune d’elles. J’ai pour ambition de guérir mes maux parce que j’ai décidé de ne plus soigner mes symptômes, mais leurs origines. 

Une chose est sûre, Hodgkin m’a enseigné ma plus belle leçon de vie.

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