Interview n°7 : Liza

Pour cette interview n°7, c’est la jeune Liza qui nous raconte son histoire.

 

  • Peux-tu te présenter ?  

Je m’appelle Liza. J’ai dix-neuf ans depuis peu et j’habite dans les Landes. Je suis étudiante en lettres, mais officiellement en année sabbatique.

J’avais dix-sept ans, quand j’ai commencé à être malade. Presque dix-huit quand on m’a annoncé que j’avais un Lymphome de Hodgkin.

 

  • Racontes nous quand et comment tu as découvert la maladie.

Dans les Landes, c’est la fête tout l’été, dans tous les villages, et forcément, quand quelqu’un nous propose un verre, une cigarette, on ne dit pas forcément non. C’est là que tout a commencé.

Tout d’abord, une petite fatigue commence à apparaître. Rien d’alarmant lorsqu’on se couche à trois heure du matin.

Puis j’ai fait ma rentrée en Terminale L. Un petit ganglion a fait son apparition dans le creux de ma clavicule.

A partir de là, le médecin me diagnostique une Mononucléose Infectieuse, «plutôt costaud».

 

Pendant des mois, les prises de sang de sont enchaînées, ainsi que les radios. J’ai commencé à faire de la fièvre quelques mois après la rentrée. La fatigue m’assommait et de plus en plus de ganglions apparaissaient. J’étais faible, je maigrissais de semaine en semaine. Et j’ai raté de plus en plus de cours au lycée.

 

Vers décembre, c’était des nouveaux symptômes : sueurs nocturnes, démangeaisons, fièvre à répétition, des ganglions tellement gonflés que je n’osais même plus attacher mes cheveux, et un essoufflement à cracher mes poumons à chaque fois que je montais des escaliers.

C’est en fin d’année, au début du BAC, que j’ai passé mes premiers examens : scanner, biopsie dans un premier temps. Le médecin était bienveillant, et m’a laisser passer mon Bac, sans mettre de diagnostique final : «passe ton bac, on verra le reste après» m’a-t-il dit.

Je suis restée dans le flou une vingtaine de jours. J’ai passé un premier «Tep-scanner». Le même jour, j’étais assise dans le bureau du médecin, avec toute ma famille, et il a prononcé les mots qui tuent «Cancer du système lymphatique, stade II avancé».

Je ne réagis pas à l’annonce, je suis sonnée. Tout ce que j’entends, c’est le «boum boum» de mon cœur.

Ma mère s’est effondrée au mot «chimiothérapie», mon frère était prêt à me donner sa moelle osseuse sur le champ, et mon beau père inquiet, posait toutes les questions qui lui passaient par la tête. Nous étions le 27 juin 2016.

 

Quelques jours après, c’était les résultats du bac. Je l’ai eu, mais cette bonne nouvelle ne faisait pas le poids face à l’annonce de la maladie. Pourtant, tout le monde me félicitait, ma famille, mes profs, mes amies, même mon médecin…

 

  • Quel traitement as-tu eu ? Comment est-ce que ça s’est passé ?

A l’aube de mes dix-huit ans, j’ai été dirigé vers l’hôpital Haut l’Evêque à Bordeaux. Mon cas, rentre dans les critères strictes, du nouveau protocole testé dans cet hôpital.

Le but ? Changer un médicament par un autre, beaucoup moins toxique. En fait, ils changent l’ABVD (Adriblastine, Vinblastine, Bléomycine, Dacarbazine) en AVD plus Brentuximab. Le Brentuximab (ou CD40) est un anticorps, qui limite les effets secondaires.

Il m’a été présenté, un peu comme le «médicament miracle». Il y avait peu de chance pour que je sois réfractaire.

 

J’ai fait quatre cycles d’AVD, à raison de cinq heures de chimio tous les quinze jours. J’ai enchaîné les aplasies, les douleurs, la fatigue, la peur, le doute… Mais peu à peu, j’ai vu les ganglions fondre, et les symptômes disparaitrent.

Le Tep-Scan de contrôle, était presque bon, il ne restait qu’un tout petit ganglion, dans une zone proche du cœur : le médiastin.

Au bout des quatre cycles, j’ai refait un Tep Scan. Mais la douche est encore froide. Je suis réfractaire au traitement. Ce petit ganglion est encore là, et en plus il a pris du poids. Mon médecin me parle du protocole suivant : Le BEACOPP*. Sept médicaments, aux noms les plus barbares les uns que les autres. Trois jours d’hospitalisation à chaque cure, qui, elles-mêmes durent trois semaines.

A cela, s’ajoute, un régime strict : sans sel et sans sucre, à cause d’une dose élevée de Cortisone. Il faut aussi penser à une préservation d’un des deux ovaires car, ce traitement est beaucoup plus toxique que le premier.

 

Nous étions au mois de décembre, lorsque j’ai fait l’ovariectomie.

Quelques jours après, mon lycée organisait une remise des diplômes.

Si on fait un rapide tour de mon corps à ce moment-là : j’ai presque sept kilos en moins, le crâne complètement à blanc, cinq cicatrices qui strient mon bas ventre, encore enduites de Bétadine et je ne vais pas bien du tout. Pourtant, je décide d’y aller à cette remise des diplômes. Sans bonnet, sans perruque.

Lorsqu’ils ont appelé mon nom, et que je suis montée sur l’estrade pour récupérer mon Bac, j’ai été applaudis, par tout le monde, il y a eu des sifflements, des gens debout.

Le moment aurait vraiment pu être parfait, si une de mes cicatrices ne s’était pas infectée, à cause du collant que je portais, qui frottait dessus… J’ai fini plié de douleur et aux urgences le lendemain.

 

Je veux bien l’avouer, les semaines de traitements qui ont suivi, j’ai été au plus mal moralement. Je faisais crise de panique, sur crise de panique. Je tremblais tout le temps, je pleurais dès que je voyais ma famille.

Les médecins ont été obligé de me faire un cocktail de médicaments pour «grand stressé» : Xanax, Atharax, Seroplex, et enfin Tranxséne jour et nuit dans la poche d’hydratation les jours d’hospitalisation. Même avec ça, je trouvais le moyen de ne pas dormir !

Pour me détendre, les infirmières se sont mises à me faire des massages, le soir avant de dormir. C’était plutôt sympa…

Mais, j’ai eu aussi mal, très mal durant les BEACOPP. J’ai des «mucites». En clair, c’est comme une angine et une otite en même temps, une langue qui triple de volume et des aphtes partout.

On peut ajouter les douleurs dûent aux facteurs de croissance… Bref, j’ai eu droit à une deuxième sorte de cocktail : Tramadol, Codeïne, Acupan, Morphine. Oui, je planais un peu, et j’étais surnommée «la droguée».

 

Au bout de deux cycles, j’ai enfin été en «Rémission complète». Mais pour consolider le traitement et réduire le risque de rechute. J’ai dû passer par la case «Autogreffe*».

 

C’est une super chimio, qui détruit la moelle osseuse, on nous remet des globules blancs (les nôtres) et on attend que l’aplasie passe. Ca dure environs un mois. Je suis restée 20 jours à l’hôpital et avec le cocktail anti-douleur , tout s’est bien passée.

J’ai même rencontré deux personnes du même âge que moi, eux aussi embarqués dans la galère des traitements. On est devenu les amis «perchés» qui se promenaient dans les couloirs du service et on se faisait des soirées télé le soir pour s’occuper.

 

  • Comment as-tu vécu cette période ? Est-ce que tu as été entourée, soutenue ?

Bien sûr , j’ai été très entourée : ma mère venait à toutes mes chimio pendant le premier traitement, ma meilleure amie venait tous les mercredi me voir à l’hôpital, mon frère me tenait compagnie les soirs, mon beau père me portait pour aller me coucher quand je n’en avais pas la force. J’ai eu plein de messages de soutien de mes anciens professeurs, ou même de personnes que je ne connaissais même pas …

 

Même si c’était pas la joie tous les jours, j’ai beaucoup rigolé. Je suis fière de m’être assumée avec mon crâne rasé et de le porter la tête haute. J’en parle toujours avec dérision. Parce qu’avoir un cancer fait peur, je ne veux pas être hantée à vie par ces douleurs. Alors j’en rigole tout le temps.

J’ai rencontré des personnes qui en parlaient avec vérité, peur, parfois lassitude.

Quand on me posera la question , plus tard «Qu’est-ce que tu as fait de ta vie ?», je répondrais, en me vantant, que j’ai combattu le cancer. Et que j’ai gagné !

 

  • Et maintenant comment te sens-tu ? Où en es-tu ?

Après cette épreuve, je me sens vivante, parfois invincible, mais j’ai surtout peur ; peur que le lymphome revienne un jour, peur qu’il me terrasse. J’ai aussi peur de reprendre ma vie en main. Je me répète sans cesse que, si je suis encore en vie , ce n’est pas pour rien faire de ma vie. J’ai d’ailleurs beaucoup écris, c’était comme un exutoire. J’en ai fait un blog, une page Facebook… Et ça m’a fait beaucoup de bien, d’aider des gens ou juste parler avec des gens qui en avaient besoin.

Sur le côté physique, je suis toujours fatiguée, mon corps est tatoué de cicatrices (huit au total). J’ai l’impression que ce corps n’est plus à moi. Je compte en faire un temple, le reprendre…

Alors je fais des projets, une liste que je remplis au jour le jour : me faire tatouer, écrire encore plus… Je suis motivée à faire quelque chose de ma vie. Et si il y a bien une chose que le lymphome m’a appris, c’est qu’il ne faut jamais baisser les bras. Il y a une vie après lui !

 

 

Lexique :

 

BEACOPP : Protocole de chimiothérapie pour les formes à grosse masse tumorale et les formes avancées de la maladie.

Elle est composée de :

  • Bléomycine
  • Toposide
  • Doxorubicine (Adriamycine)
  • Cyclophosphamide (Endoxan)
  • Vincristine
  • Procarbazine
  • Prednisone (Corticoïdes)

Le cycle est de 21 jours avec une hospitalisation de J1 à J3 et en hôpital de jour à J7.

 

Autogreffe : C’est une sorte de « super chimio »

La greffe de cellules souches permet de reconstituer rapidement la moelle qui a été détruite.

En pratique :

  • On donne un médicament qui entraine le passage des cellules souches de la moelle vers le sang.
  • On fait le prélèvement au cours d’un cytaphérèse : on fait passer       le sang, via le cathéter, dans un appareil qui ne retient que les cellules souches (le reste du sang est réinjecté).
  • Les cellules sont ensuite congelées.

Cette opération dure environ 4-5 heures.

Une fois la chimio terminée, on décongèle et on réinjecte les cellules souches. Cela prend entre 10 et 30 jours pour qu’elles se dirigent spontanément vers la moelle osseuse. Mais, il faut 1 mois pour le système immunitaire retrouver son efficacité.

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