Pour l’interview n°32, voici l’histoire de Manu qui fait partie des lectrices de la première heure du blog.
– Peux-tu te présenter et nous dire quel lymphome tu as ?
Je m’appelle Emmanuelle mais tout le monde m’appelle Manu. J’ai 24 ans et j’habite en Bretagne dans les Côtes d’Armor.
Je suis atteinte d’un lymphome diffus à grande cellule B situé sur le médiastin.
– Racontes nous ton histoire.
L’annonce s’est faite le 3 Mars 2017.
Voici l’histoire de la découverte :
Depuis un mois, je toussais pas mal, je ne dormais plus beaucoup et j’étais tout le temps fatiguée, j’avais également des douleurs dans la poitrine du côté gauche qui me prenaient l’épaule et me descendaient dans le bras. J’ai mis ça sur le compte d’un nerf bloqué. Puis un jour pendant les vacances scolaires de février j’ai perdu ma voix. Etant animatrice d’accueil de loisirs et activité périscolaire c’est légèrement handicapant. J’ai à ce moment là perdu toute crédibilité auprès des enfants avec ma voix plus aiguë que celle des petits de 3 ans. J’ai donc décidé de consulter. Le rendez vous était pris pour le 2 mars à 10h45.
Quand elle m’a ausculté, elle a d’abord senti un ganglion au niveau de ma clavicule gauche. Elle a pris ma tension et mon pouls, j’étais à 150 pulsations minute et 11.6 de tensions ce qui pour moi est énorme. Puis elle a pris son stéthoscope et là elle n’entendait pas mon poumon gauche. Ca l’a inquiétée alors direction les urgences.
Mon papa qui est en retraite m’a alors emmené. Ils m’ont pris assez rapidement. J’ai fait une prise de sang et dans la foulée un ECG qui apparemment ne les rassurait pas du tout donc direction la radio des poumons. C’est à ce moment que j’ai rencontré un médecin hématologue le Dr O. Elle m’a parlé de masse, de ganglions, mais pour moi ça ne voulait pas dire grand chose à part que j’allais passer la nuit aux urgences. La nuit n’a pas été facile. Le lendemain réveil 7h pour une prise de sang à jeun 8h petit dej’ et 10h ponction du liquide de mon ganglion au cou par le docteur O. Elle m’a aussi prévenu qu’il ne fallait pas que je mange car j’allais passer un TEP Scan et qu’il fallait être à jeun. Elle m’a aussi dit que le lundi, ils allaient m’emmener au bloc pour la pose d’une chambre implantable et une biopsie du ganglion de mon cou ; Je ne savais toujours pas ce que ça voulait dire, je me laissais porter par leurs examens. 16h go vers le TEP. Sortie à 17h à peu près et là mes parents et ma sœur m’attendaient. Le brancardier m’a dit que j’allais être montée dans ma chambre. Je pouvais enfin manger !!!
18h l’infirmier m’a pris pour me monter au 6ème étage : le service oncologie hématologie. Tout aurait pu me mettre la puce à l’oreille mais je crois que mon cerveau a fait un stop sur la réflexion. Pour moi tout allait encore bien. Et à 18h30 ma vie a basculée. Le dr Ro., un autre hématologue et son interne sont entrés dans ma chambre. Il m’a sortie sont blabla dont je n’ai retenu que les mots CANCER LYMPHOME ! Pour tout le reste, heureusement que mes parents et ma sœur étaient là pour me les redire car j’étais incapable de les ressortir. Ça a été la douche froide, la descente aux enfers je ne sais pas comment je qualifierais tout ça mais pour moi ma vie s’arrêtait et j’allais mourir. C’est l’idée que je me faisais du cancer, je l’associais à la mort. Même si des personnes autour de moi sont passées par là et aujourd’hui respirent la joie de vivre. Cette soirée a été très dure mais, dès le lendemain je me suis reprise. Je ne voulais pas me laisser abattre pour un c****** de crabe de m****. J’ai aussi dû congeler des ovocytes car j’ai des risques de devenir stériles à cause des chimios.
– Quels traitements as-tu eu ?
J’ai eu différents traitements :
D’abord j’ai eu 4 injections séparées de deux semaines chacune de chimio R-CHOP*. Elle a plutôt bien diminuée ma masse puisqu’elle prenait à peu près les trois quart de mon poumon gauche et au TEP d’après chimio il n’y avait plus que un quart de pris mais pour l’équipe soignante ce n’était pas assez donc hop, deuxième chimio. Cette fois si ça a été 4 injections séparées de 3 semaines chacune de chimio R-DHAC*. Ça a été le même diagnostique pour celle ci donc ils ont voulu changer de méthode. Donc Immunothérapie pour moi. C’est un traitement qui peut guérir le mélanome donc ils ont voulu essayer sur moi. C’était une Immuno au Pembrolizumab*. Mais elle, elle a tout gâché car mes douleurs sont revenues et une bosse est apparue sur mon torse (la tumeur) et quand j’ai vu le TEP, mon dieu elle a doublé de volume !!! Donc c’est comme si pendant deux mois je n’avais absolument rien fait. Ça a été un coup de massue. Mon Dr étant très réactif, il a directement contacté l’Institut Gustave Roussy à Villejuif à Paris et en 48h j’ai attéri là bas. Le Dr Ri. m’a prise en charge et m’a proposé un essai clinique que j’ai évidemment accepté car, ma seule volonté est de le dégager de là. Mon traitement a été composé de Tazémétostat* et Prednisolone* ; ce sont des cachets à prendre matin et soir sauf la Prednisolone c’était une semaine sur deux. Mais une fois de plus le traitement n’a rien fait et la tumeur a légèrement grossie. Donc je passe à la radiothérapie. 20 séances de prévue, une tout les jours. Un autre essai clinique est prévu pour après les rayons en vision de faire une allogreffe à Rennes car, ma sœur est compatible à 100%.
J’ai eu la chance de n’avoir aucun effet secondaire à part un peu de fatigue. J’ai perdu mes cheveux avec la première chimio mais depuis juillet ils repoussent et j’en suis la plus heureuse car mes cheveux étaient ma vie.
– As-tu été bien informé ?
Concernant l’information des personnes soignantes, ils m’ont toujours bien tout expliqué. J’ai pu profiter de massages pendant mes chimio, j’avais également droit à des soins esthétiques mais, étant toujours coquette je n’ai pas été. Il n’y a qu’un point où j’ai eu un manque d’information mais, peut être est ce ma faute aussi car je n’ai pas spécialement demandé. C’est sur l’alimentation, car je pensais avoir le droit à tout et j’ai appris en septembre que le sucre était fortement déconseillé. Etant une grande mangeuse de bonbons j’en ai parlé à mon hématologue qui m’a rassuré sur le fait que si les traitements ne fonctionnaient , ce n’était pas à cause de ça mais qu’il fallait désormais que je réduise considérablement ma consommation.
– As-tu été bien entourée ?
Cette période a changé ma vie a jamais. J’ai pu reconnaître mes vrais amis, ma vrai famille. J’ai coupé les ponts avec certaines personnes qui me disaient être présent dans toutes les situations et, quand je leur ai annoncé ma maladie oups, plus de nouvelles… Donc ça a été une grande joie de les retirer de ma vie . J’ai eu énormément de soutien de ma famille ; ils ont toujours été présent et le sont encore énormément. Pour mes voyages à Paris, ils prennent leurs journées pour m’accompagner, quand j’étais hospitalisée j’avais la visite d’un de mes frères tous les soirs, ma soeur venait à chaque fois me chercher et j’avais beaucoup de visites de mes proches sur leurs temps de congés. Mes cousins et cousines ont été également énormément présents ainsi que mes oncles et tantes. Des personne que je ne savais pas si proche de moi et pourtant je sais aujourd’hui, plus que jamais, que je peux compter sur eux. J’ai redécouvert des amis qui m’ont soutenu alors que je ne les savais pas si proche et des collègues devenues aujourd’hui des amies. Grâce à toutes ces personnes aujourd’hui je me sens plus que battante et, si je me bats c’est pour que ma famille, mes amis et mon chéri soient fiers de moi. Mon chéri, que j’ai rencontré déjà atteinte de ce crabe, il ma accepté avec et je lui en serais toujours reconnaissante. Accepter une personne malade ce n’est pas facile mais, lui l’a fait.
J’ai toujours gardé le moral et j’ai toujours la force de trouver le positif dans mon malheur. Malgré quelques baisses de moral, je sais qu’il faut que je reste forte. Un jour, je pourrais me dire que j’ai réussi et plus rien ne pourra m’atteindre !
– Comment as-tu vécu « l’après » cancer ?
« L’après », je n’y suis pas encore et il va falloir attendre encore un peu. Mais, il me fait déjà un peu peur. Il me fait sûrement plus peur que le crabe en lui même, ça va paraître bête mais j’ai peur de revenir à une vie normale et de n’avoir plus aucune appartenance.
– Est-ce que le lymphome a changé ta vie ? Comment ?
Le lymphome a bouleversé ma vie à jamais mais aujourd’hui, mes priorités ont changés. Je ne veux plus porter de l’importance aux choses qui ne me tiennent pas à coeur. Les personnes qui m’ont fait du mal seront puni par la vie. Je suis plus forte que jamais. Plus rien ne peux m’atteindre. Je suis moi avec mes qualités et mes défauts, on me prend avec tout ou rien. Aujourd’hui je veux profiter des meilleurs moments et toujours voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Je vie selon une citation de Jean Bernard » Ajouter de la vie aux jours lorsqu’on ne peut plus ajouter de jours à la vie » comme je ne connais pas mon espérance de vie.
Lexique :
R CHOP 21 : Traitement de première ligne du Lymphome non Hodgkinien. Il se compose de :
– Rituximab
– Cyclophosphamide (Endoxan)
– Hydroxyadriamycine (Adriblastine)
– Oncovin (Vincristine)
– Prednisone (Solupred)
Il s’administre en hôpital de jour, avec des cycles répétés tous les 21 jours. L’administration des produits dure entre 3 et 5 heures.
R DHAC : Traitement de chimiothérapie qui se déroule sur un cycle de 28 jours avec hospitalisation les 4 premiers jours du cycle pour l’injection des produits (cela dure environ 4h).
Il se compose de :
– Mabthéra (Rituximab)
– Carboplatine
– Aracytine (Cytarabine)
– Dexamethasone (Corticoides)
Pembrolizumab : C’est un anticorps monoclonal qui a reçu l’autorisation de mise sur le marché en Mai 2017 sous le nom Keytruda.
Il contrôle les réponses immunitaires des cellules T.
Pour le moment il est principalement utilisé pour les cancers des poumons, les mélanomes, le cancer colorectal et les lymphomes de Hodgkin.
Tazémétostat : Médicament testé depuis le printemps 2017 pour les lymphomes B à grandes cellules et dans le cas des rechutes ou lymphomes folliculaires réfractaires.
Prednisolone : Glucocorticoide de synthèse utilisé pour son effet anti-inflammatoire.
C’est un médicament très couramment utilisé, au même titre que le Prednisone (ou le Solupred sous forme orodispensible).
Sources :
http://www.vidal.fr
http://www.wikipedia.org
http://www.lysarc.org
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