Interview n°33 : Clémence

Pour l’interview n°33, Clémence nous raconte son histoire face à la maladie et à la fertilité.

– Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Clémence, j’ai 29 ans, je suis une bretonne expatriée en Vendée pour le travail, et le comble… je travaillais dans un service de radiothérapie avec pour idée de bien faire mon travail « parce qu’on connaît tous quelqu’un touché par le cancer ».
Fiancée et sans enfant à l’époque de l’annonce, c’était mes prochains projets…

– Quel lymphome as-tu ?

Le 8 avril 2016 (27 ans) on m’a annoncé par téléphone que j’avais un lymphome B à grandes cellules, de 8 cm.

– Quand et comment as-tu découvert la maladie ?

Le tout premier symptôme (à mon sens) a été une soudaine oppression en faisant mon jogging, en juin 2015. Progressivement, j’ai eu de plus en plus mal dans toute la zone cervicale à gauche, jusqu’à appeler à l’aide dès septembre 2015. Avec une généraliste à la cool, on se penchait vers des péricardites tranquillement. Comme tout le monde, j’ai eu mon quota d’aspirine, d’ostéo et de Tramadol* aussi. La douleur empirait, jusqu’à ne plus pouvoir dormir allongée. Ça a duré 5-6 mois. Jusqu’à ce que je m’étouffe carrément quand je m’allongeais un peu. Après 3 passages aux urgences, des diagnostics de torticolis, laryngite et de «vous n’avez rien, rentrez chez vous», j’ai finalement été rappelée dans la matinée parce que la radio avait été relue, c’était le 23 mars. Scanner, ponction et le vendredi 8 avril 2016, on m’annonçait par téléphone que j’avais un cancer. Le mardi 12 avril 2016, je faisais ma première chimio.
J’ai refusé le prélèvement de cortex ovarien puisqu’il m’a été présenté de manière très négative. Et nous n’avons pas pu faire de prélèvement d’ovocytes parce que « c’est urgent, vous allez mourir, on ne peut pas attendre » (j’avais un syndrome cave – compression de la veine cave). Et ça faisait 7 mois que j’appelais à l’aide.

– Quel traitement as-tu eu ?

J’ai eu un cathé-picc* (et donc infirmière tous les 2 jours pour nettoyer !), 4 cures de R CHOP14* associées à 4 intrathécales* (j’en avais une peur bleue et j’avais raison : extrêmement douloureux pour moi, fissure une fois, et reproduite 3 fois pour le final en gigotant l’aiguille parce que ça coulait mal). Un TEP annonçait que je n’aurais pas d’autogreffe. Et deux jours plus tard, finalement si… Alors j’ai eu deux cures de Méthotrexate* Haute dose (cette chimio qui sert à protéger le cerveau, hyper hydratée qui dure une semaine et où on transite 7 litres d’eau par jour…). Et puis autogreffe à Nantes, avec retour des petits soldats le 27 juillet 2016.

– Comment ça s’est passé ?

Pour les R CHOP, il était temps que ça se termine. Elles devenaient de plus en plus assommantes. En parallèle, j’ai pris 10 kilos (que j’avais péniblement perdu à coup de sport intensif 6h par semaine). J’ai eu le droit de voir une diététicienne à la fin de ces 4 cures, qui m’a dit « ah ben oui, y avait plein de consignes à respecter avec ce type de chimio ! » Le méthotrexate est une « chimio cool ». Quant à l’autogreffe…à part l’enfermement et l’odeur de la Bétadine, je n’ai rien senti… Pas une mucite, pas une fatigue, pas une infection urinaire… Juste des nausées importantes et une colite lorsque j’ai recommencé à m’alimenter. J’encourage tout le monde sur ce point : nous ne sommes pas tous égaux, et autogreffe ne veut pas dire « coup de massue final » pour tout le monde 😉
Au cours de mes traitement, j’ai pris personnellement rendez-vous avec une sophrologue/hypnotiseuse pour mieux appréhender les ponctions lombaires. Je ne voulais pas bénéficier de celle de l’hôpital, car c’était une collègue de travail !
J’ai vu une socio-esthéticienne qui avait une pêche incroyable… ces personnes devraient être plus nombreuses !

– Comment as-tu vécu cette période ?

J’avais créé une page Facebook privée pour tenir mes proches informés en même temps, et éviter de répéter la même chose à tout le monde. Ils ont trouvé que j’avais beaucoup d’humour. C’est vrai que je n’en riais pas mal, mais je pleurais aussi beaucoup !
J’ai été super entourée par ma famille, j’ai perdu quelques amis, dont mon futur témoin de mariage qui ne me méritait pas. A chaque chimio, je recevais la visite de mes collègues de travail les plus proches. J’ai compris qui étaient mes amis. J’étais très en colère par rapport à ma future stérilité et à ma généraliste un peu trop cool, qui employait des mots très crus à ce sujet (qui tente de me rassurer sur le don d’ovocyte « Regardez, mon fils, il a mes gènes, il n’a pas ma gueule, franchement on s’en fout ! »)
Donc déçue par ceux que je croyais être mes vrais amis, déçu par le corps médical (surtout le personnel soignant de Nantes, dont je m’attendais qu’il soit adorable, vu le type et la durée d’hospitalisation), et impressionnée par mes collègues et ma famille ❤
Sur le site de France Lymphome espoir, j’ai rencontré (et en vrai !) une lymphomatique rennaise qui m’a inspirée… elle avait un tel détachement et un sourire accroché à son visage… (merci si tu te reconnais d’avoir croisé ma route ;))
Physiquement : beaucoup de vomi, et… c’est à peu près tout ! (Merci à ma condition physique d’avant ? On ne saura jamais !)

– Comment s’est passé « l’après » ?

Reprise de la vie en sortant de l’hôpital le 10 août. Plage, Barbecue, famille… On avait annulé notre mariage prévu en septembre mais on commençait déjà à se motiver pour le faire un an plus tard.
Retour au travail à mi-temps, de janvier à avril. Puis temps plein. Aujourd’hui, le collègue indélicat qui me rabaissait en permanence, s’en prend de belles dans les dents, son manège a été démasqué et j’ose parler quand ça ne va pas. Je suis un peu devenue « celle qui gueule tout le temps ».
Cela fait un an que je retravaille. Je n’ai jamais eu de fatigue physique, mais je ressens un épuisement psychologique, face à la lenteur (j’étais speed, maintenant, c’est pire), à la méchanceté et à l’égoïsme de certaines personnes. J’ai l’impression d’avoir perdu des neurones dans la bataille, la médecine du travail pense que c’est plutôt le choc traumatique que la chimio.
J’ai repris le sport 3 mois après l’autogreffe, comme si de rien n’était, je me suis blessée et ai attrapé des tendinites partout… alors re-repos total pendant 6 mois.

– Et maintenant où en es-tu ?

Rémission depuis 15 mois, toujours bloquée sur la maladie à cause de douleurs cervicales. Difficile à rassurer.
Après un temps de « digestion » de la maladie, j’ai fait un pas vers les autres, j’ai rejoint la belle communauté Lymphome et compagnie, et j’essaye de soutenir les malchanceux qui sont encore en traitement. Cette famille est formidable, la gentillesse et la générosité des membres est un réel anti-dépresseur.
Mais j’ai pu, d’une part, rattacher mes dreadlocks adorées qui étaient tombées, et d’autre part, me marier en septembre 2017. Mes 10 kilos sont toujours là, plus pour longtemps, j’espère : depuis début janvier, j’ai pu reprendre le sport (doucement cette fois !)
Le projet PMA est lancé et validé, c’est un autre combat pour la vie qui nous attend !
Et puis, on croise les doigts pour boire un coup à ma santé en septembre 2018 (2 ans de rémission) !

– Est-ce que le lymphome a changé ta vie ? Si oui, comment/ à quel niveau ?

Ouiiiiii !!! émotionnellement ! Comme le dit Marine de Nicola : c’est un cadeau très mal emballé !
Enfin, il n’a pas changé ma vie, mais il a changé ma vision des choses. L’urgence de vivre heureuse, de me rapprocher de ma famille. J’ai maintenant un cercle d’amis que j’adore.
Je vis les choses plus intensément, je me prends moins la tête quand quelque chose ne se passe pas comme prévu. Je ne le conseillerais pas à tout le monde, mais ça remet les idées à leur place et je suis super fière d’avoir « la chance » de savoir la vraie valeur de la vie.

Lexique :

Tramadol : Analgésique central qui est prescrit dans le cas de douleurs modérées à intenses. L’avantage est qu’il crée peu de dépendance par rapport à la morphine.
C’est plus fort que la Codéine car 50 mg de Tramadol = 10 mg de Codéine.

R CHOP 14 : Protocole de chimiothérapie qui se déroule sur un cycle de 14 jours.
– Rituximab (Mabthéra)
– Cyclophosphamide (Endoxan)
– Hydroxyadriamycine (Adriblastine)
– Oncovin (Vincristine)
– Prednisone (Solupred)

Cathé Picc Line : Cathéter central inséré par voie périphérique. Il est inséré juste au dessus du pli du coude. L’installation se fait en milieu stérile sous anesthésie locale.
Cela implique une surveillance de l’équipe soignante 3 fois par semaine avec changement du pansement stérile au point d’insertion une fois par semaine. Ce système peut rester en place 6 mois voir plus.

Méthotréxate : Prescrit dans le cas des Lymphomes Non Hodgkiniens, il permet de ralentir la prolifération des cellules malignes sans causer de dommages irréversibles aux cellules saines.

Sources :

http://www.vidal.fr
http://www.wikipedia.org
http://www.urps-infirmiers-paysdelaloire.fr

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